« Le nouvel eurodéputé Rassemblement Bleu Marine (RBM), Aymeric Chauprade, sait choisir ses relations. Il était l’invité, samedi 31 mai, d’une étrange réunion à Vienne (Autriche) – où il habite et exerce le métier de consultant – réunissant des personnalités russes pour le moins marquées. Le thème de cette rencontre qui a eu lieu au palais Liechtenstein : les 200 ans de la Sainte-Alliance impulsée par l’Empire russe, l’Empire autrichien et le royaume de Prusse.
A l’origine de cet évènement, l’oligarque et mécène russe orthodoxe Konstantin Malofeev, dont le nom a été cité à plusieurs reprises s’agissant des séparatistes pro-russes à Donetsk en Ukraine (Le Monde des 28 et 31 mai). Selon le journal suisse de Zurich Tages Anzeiger, qui a révélé l’existence de cette réunion, cette rencontre a été aussi l’occasion d’échanger sur la manière de sauver l’Europe du libéralisme et du « lobby homosexuel ».
Toujours selon ce quotidien, outre M. Chauprade, les invités étaient notamment Heinz-Christian Strache, leader du FPÖ autrichien (allié de Marine Le Pen), ou encore Volen Siderov du parti d’extrême droite bulgare Ataka (avec lequel Mme Le Pen refuse de travailler). Mais l’invité de marque fut bien Alexandre Douguine, éminence grise de Poutine, chantre de l’Eurasisme. M. Douguine est une référence à l’extrême droite radicale, véritable coqueluche des nationalistes-révolutionnaires mondiaux.
« La Troisième Rome, le Troisième Reich et la Troisième Internationale »
Mystique orthodoxe, traditionaliste ésotérique, très influent dans certains cercles du pouvoir à Moscou, Alexandre Douguine est le pape de l’eurasisme, doctrine qui promeut la constitution d’un grand bloc continental eurasien pour lutter contre la puissance anglo-saxonne. Selon M. Douguine, « l’ordre maritime (Carthage, Athènes, Grande-Bretagne) est en opposition avec l’ordre terrestre (Rome, Sparte, Russie) ».
L’une des phrases du théoricien russe qui résume le mieux sa pensée politique, selon le chercheur Nicolas Lebourg, est la suivante : « La Troisième Rome, le Troisième Reich et la Troisième Internationale sont des éléments qu’il faut connecter dans la révolte contre le monde moderne. »
Tout cela ne fait pas très « dédiabolisation », même venant d’un russophile pro-Poutine assumé comme Aymeric Chauprade. D’ailleurs, l’un de ses proches minimise la rencontre : « Ils se sont dit bonjour, ont un peu discuté, c’est tout. Ils n’ont aucun projet politique en commun à venir. »
La députée du Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen, a passé une tête lors du dîner clôturant la journée. Son entourage assure qu’elle n’a pas rencontré M. Douguine.« Elle était en week-end à Vienne pour des raisons personnelles, Heinz-Christian Strache a suggéré à Aymeric Chauprade de l’inviter à venir le soir, c’est tout. Elle n’a pas participé à la journée », nous assure-t-on au FN.
Ce n’est pas la première fois que M. Chauprade accepte l’invitation de la mouvance pro-Poutine la plus radicale. Ainsi, le 16 mars, à l’occasion du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie. Il était l’un des « observateurs occidentaux » invités par une mystérieuse ONG se réclamant – hasard – elle aussi de l’eurasisme : l’Eurasian observatory for democracy and elections (EODE). Cette ONG est présidée par Luc Michel, dirigeant du Parti communautaire national européen (PCN), mi-officine, mi-groupuscule rouge-brun qui continue le travail du néofasciste Jean Thiriart.
Les observateurs invités par EODE étaient assez divers, allant d’un membre du Parti communiste grec (KKE) ou d’un membre de Die Linke (parti de gauche allemand), un élu de Forza italia (qui avait invité le néofasciste Gabriele Adinolfi à présenter son livre au parlement européen) jusqu’à un membre du Vlaams Belaang ou encore Enrique Ravello de Plataforma per Catalunya. Ce dernier, est un ancien de la Cedade, qui rassembla longtemps les néonazis espagnols.
Là encore, M. Chauprade jure qu’il ne savait rien du pedigree des autres observateurs. « Je n’ai rencontré M. Luc Michel que dans le hall de l’hôtel. Par définition, l’aréopage d’observateurs est large. Je ne suis responsable que de la sensibilité qui est la mienne », nous a déclaré M. Chauprade à ce sujet. »
Abel Mestre et Caroline Monnot
Là où les élus européens du Front national révèle leur vrai visage : celui d’un ordre ancien, nostalgique et antidémocratique, celui des nations qui ont dominé l’Europe et qui l’ont conduit au pires heures de son histoire.