Mercredi 1er mars 2017, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a présenté ses propositions pour l’avenir de l’Union à 27. Dans la perspective du Brexit et pour tenter de surmonter les blocages persistants, il a proposé 5 scénarios, allant du statu quo à un renforcement du fédéralisme en passant par une « Europe à plusieurs vitesses ».
« La tâche qui nous attend ne peut pas être nostalgique ou de court-terme. Elle doit être construite sur une vision commune et une conviction partagée qu’en travaillant ensemble chacun de nous sera mieux servi » – Livre blanc sur l’avenir de l’Union européenne
C’est devant les députés européens réunis à Bruxelles que Jean-Claude Juncker a présenté, mercredi 1er mars, une série de propositions pour sortir du marasme dans lequel l’Union européenne est aujourd’hui embourbée.
Intitulé « Réflexions et scénarios pour l’UE27 d’ici à 2025« , ce livre blanc – document de réflexion invitant à une prise de décision politique – représente la contribution de l’exécutif européen au débat sur l’avenir de l’Union. Une réflexion qui doit déboucher le 25 mars sur une déclaration commune des 27 dirigeants européens, à l’occasion des 60 ans du traité de Rome.
« On parle de possibles options, positives, réalistes, qui aboutissent toutes à l’unité et à la coopération des 27« , prévenait hier le porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas. « L’idée, c’est de lancer un vaste processus de réflexion autour de ces options politiques réalistes, crédibles, sur la base desquelles on va avancer dans le futur »
5 scénarios
Approuvées mardi par le collège de commissaires européens, les pistes présentées par Jean-Claude Juncker vont du statu quo au renforcement de l’intégration européenne, en passant par plusieurs modalités d’une Europe « à plusieurs vitesses » que le président de la Commission semble affectionner. « Est-ce qu’il ne faudrait pas que ceux qui veulent avancer plus rapidement puissent le faire sans gêner les autres en mettant en place un cadre plus structuré et ouvert à tous ? (…) Je plaiderai en ce sens dans les prochains jours« , avait-il ainsi déclaré le 23 février aux étudiants de l’université catholique de Louvain-la-Neuve.
Dans l’ensemble, le document appelle les dirigeants européens à « combler le fossé entre les promesses et la réalité » et clarifier ainsi le rôle de l’Union européenne. Ou bien celle-ci a les moyens d’affronter les grands défis qu’elle est censée résoudre, ou bien il faut lui demander de faire moins. Un exemple cité par Jean-Claude Juncker est le chômage des jeunes, que l’UE ne parvient pas à réduire avec ses instruments actuels. Par conséquent, les Etats doivent donner plus de pouvoir et de budget à l’UE ou lui retirer cette mission.
La première option développée dans le document, intitulée « carrying on » (« continuation« ) propose de poursuivre le calendrier de réformes prévu, sans changement significatif, dans l’esprit de la communication de la Commission de 2014 intitulée « Un nouvel élan pour l’Europe » et de la déclaration de Bratislava adoptée en 2016 par les 27 États membres.
Prenant acte du fait que les Etats sont incapables de trouver un terrain d’entente dans un nombre croissant de domaines d’action, la seconde option (« nothing but the single market » – rien que le marché unique) invite à se concentrer petit à petit sur le marché unique, et d’avancer au cas par cas et de manière bilatérale sur les dossiers plus politiques, par exemple le droit des citoyens. Lors de son discours du 1er mars, le président de la Commission a souligné à plusieurs reprises que ce n’était pas l’option qu’il souhaitait, car « l’Union européenne est plus qu’un simple marché ».
Le troisième scénario (« those who want more do more » – ceux qui veulent plus en font plus) est celui de l’Europe à plusieurs vitesses : il propose de préserver l’Union à 27 mais de permettre aux Etats qui le souhaitent d’avancer ensemble sur des projets précis. Les Etats qui ne participent pas à l’initiative dans un premier temps peuvent décider de la rejoindre par la suite. Si Jean-Claude Juncker a énuméré plusieurs domaines qui pourraient en tirer avantage (sécurité, affaires sociales, système d’asile européen, capacités communes de défense…), il a toutefois mis l’accent sur les risques d’une telle orientation, conduisant à rendre l’UE « encore plus compliquée qu’elle ne l’est aujourd’hui« . « Je comprends que cette stratégie puisse être intéressante, mais le but est d’avancer à 27 ensemble« , a-t-il ajouté.
Le quatrième scenario (« doing less more efficiently » – faire moins plus efficacement) envisage de recentrer les missions de l’UE à 27 autour de politiques spécifiques, en distinguant mieux les domaines qui doivent relever de la compétence européenne et ceux qui doivent être gérés au niveau national. L’Union européenne réduirait ainsi ses interventions dans les secteurs où son action est perçue comme n’ayant pas de valeur ajoutée.
Enfin, l’option la plus fédéraliste (« doing much more together« ) prévoit de renforcer les compétences et les ressources de l’Union européenne, par exemple en termes de protection contre le changement climatique, de développement durable et de défense. La Commission met toutefois en garde contre les risques que pourrait entraîner un tel choix, face au rejet d’une partie de la société estimant que l’Union européenne a trop de pouvoir et manque de légitimité face à la souveraineté nationale.
Un choix qui appartient aux Etats
Le président développe ainsi 5 orientations possibles, sans toutefois afficher officiellement sa préférence pour l’une ou l’autre et en précisant qu’elles ne sont « ni exclusives ni exhaustives« . Une position critiquée par le président du groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, Gianni Pitella, qui a invité « Jean-Claude Juncker à faire face aux divisions et à l’immobilisme des gouvernements en présentant un choix politique fort pour l’avenir de l’Europe« .
Ce dernier justifie toutefois son silence par la nécessité de laisser désormais place au débat entre institutions et gouvernements nationaux. « Nous préférons écouter avant de dire« , a ainsi déclaré le président de la Commission européenne, qui prévoit de clarifier sa position lors de son traditionnel discours sur l’état de l’Union en septembre.
Par ailleurs, le document présente cinq piliers sur lesquels la Commission européenne souhaite avancer, éventuellement avec un nombre réduit d’Etats : l’Europe sociale, la défense et la sécurité, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, la mondialisation et les finances européennes. Dans les prochains mois, chacun de ces thèmes fera l’objet d’une proposition spécifique, Jean-Claude Juncker souhaitant que les décisions importantes soient prises lors du Sommet européen de décembre 2017.