Pedro Sánchez a défendu une Europe plus unie, plus sociale, plus féministe et plus verte devant le Parlement européen à Strasbourg le 16 janvier.
« Si l’Europe nous protège, nous devons protéger l’Europe », a déclaré Pedro Sánchez devant un hémicycle à demi rempli lors d’un débat sur l’avenir de l’Europe, assombri par l’incertitude du Brexit.
En temps d’euroscepticisme croissant, le Premier ministre espagnol soutient que protéger l’Europe signifie avancer vers une Union plus sociale, garantir la sécurité des citoyens, transformer l’UE en un véritable acteur mondial, respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris ainsi que finaliser l’Union économique et monétaire (UEM).
« Pour retrouver la légitimité, l’UE doit promouvoir un nouveau contrat social et faire de la mondialisation – avec une protection européenne – une source d’opportunités et non de menaces », a-t-il déclaré.
Pedro Sánchez a appelé à l’aboutissement de la directive sur l’équilibre vie professionnelle et vie privée et de celle sur la transparence des conditions de travail pour que l’Europe soit « plus présente » dans la lutte contre l’insécurité de l’emploi.
Le dirigeant socialiste a annoncé son intention de soumettre une proposition pour une stratégie européenne des genres, alors que les femmes sont particulièrement touchées par les inégalités. Sur ce point, il estime que l’Europe doit « s’engager ».
Le gouvernement Sánchez est principalement composé de femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes et l’inégalité des sexes sont ses priorités.
Une UEM plus forte pour les futures crises
Le Premier ministre espagnol a défendu la création d’une Assurance chômage européenne, dans le contexte d’un renforcement de l’Union économique et monétaire (UEM). L’idée a récemment été émise par le gouvernement espagnol, mais a trouvé peu de soutien au Conseil européen.
Sur la réforme de la zone euro, dont les premiers pas ont été décidés lors du sommet européen de décembre, le Premier ministre espagnol a déclaré que 2019 serait l’année des progrès.
Il souhaite finaliser l’Union bancaire, mais a également défendu une plus grande intégration budgétaire, notamment grâce à des outils de stabilisation pour minimiser l’impact d’une future crise. Le partage des risques est néanmoins l’un des aspects les plus controversés de la réforme de la zone euro.
Le dirigeant espagnol a réclamé un budget européen à long terme plus ambitieux pour mieux financer les politiques traditionnelles – de cohésion et agricole – tout en garantissant un montant pour les nouveaux défis tels que l’immigration, la défense et le changement climatique.
« Réduire notre budget voudrait dire accepter l’idée d’une Europe battant en retraite », a souligné Pedro Sánchez. « Notre Union vaut bien plus que 1 % du PIB européen. »
Le Premier ministre s’est aussi aligné avec le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, et a soutenu sa proposition d’éliminer les droits de veto au Conseil sur les sujets de fiscalité, des affaires étrangères et des décisions budgétaires.
Même si l’Espagne n’a pas continué à accueillir des bateaux, sa côte méditerranéenne est maintenant le principal point d’entrée de l’Europe et les migrants continuent d’arriver.
La hausse des arrivées par la route de l’ouest de la Méditerranée a commencé en janvier 2018 quand le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy était encore au pouvoir.
Le Spitzenkandidat du Parti populaire européen, Manfred Weber, a toutefois accusé Pedro Sánchez d’être responsable de cette hausse en ne prenant pas assez de mesures pour protéger les frontières.
Pour Manfred Weber, l’Espagne devrait prendre la frontière entre la Bulgarie et la Turquie comme exemple de lutte contre l’immigration illégale.
Ce à quoi le Premier ministre espagnol a rétorqué que l’immigration légale pouvait être bénéfique sur le plan économique. Il a par ailleurs rappelé la nécessité d’une réponse commune à un phénomène mondial, en mettant en place des partenariats avec des pays tiers.
« La protection de l’Europe passe, aujourd’hui plus que jamais, par la mise en place d’outils flexibles dans le processus de décision », a déclaré Pedro Sánchez.
Changement climatique et immigration
L’Espagnol a insisté sur le fait que le changement climatique pouvait être avantageux du point de vue économique. « La transition énergétique peut et devrait être un vecteur de modernisation de l’économie européenne », a-t-il déclaré, appelant les États membres à remplir leurs devoirs dans le cadre de l’Accord de Paris.
Le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, a salué le gouvernement Sánchez pour l’accueil de plus de 600 personnes secourues en Méditerranée par l’Aquarius lorsque l’Italie a refusé d’ouvrir ses ports.
Pedro Sánchez a également rappelé que les États membres devaient réformer la politique européenne commune en matière d’asile pour remplir leurs obligations internationales.
« Le prestige de l’Europe est remis en doute lorsque des attitudes contraires à l’humanité la plus fondamentale émergent en notre sein », a-t-il affirmé.
Manfred Weber s’est aussi opposé aux remarques de Pedro Sánchez sur la nécessité de combattre l’extrême droite. « L’extrême droite est un danger, mais les extrémistes n’ont pas de couleur. Votre gouvernement ne pourrait pas exister sans le soutien de l’extrême gauche et des séparatistes », a insisté le politique bavarois.
« La forme extrême du populisme est le nationalisme, en Espagne, cette forme a un nom, c’est la question catalane », a-t-il souligné.
Manfred Weber a fait référence au soutien qu’Esquerra Republicana, PdCat et Podemos ont apporté à Pedro Sánchez lors du vote de défiance contre Mariano Rajoy, lui permettant de prendre les rênes du pays.
Le Spitzenkandidat du PPE n’a pas été le seul à soulever la question de la Catalogne. La cheffe de file des Verts, Ska Skeller, a demandé une solution politique au conflit ainsi que la libération des responsables catalans toujours en prison, accusés de rébellion et de sécession.
« Seule la bonne volonté des deux côtés nous mènera à une solution importante pour la Catalogne, pour l’Espagne et aussi pour l’Europe », a déclaré Ska Keller.
Pedro Sánchez, qui a des contacts réguliers avec les dirigeants catalans depuis sa prise de fonction, a souligné qu’il ne pouvait pas y avoir de solution tant que le camp pro-indépendance essaye d’imposer un projet politique à une majorité qui n’est pas favorable à l’indépendance.
Un leader européen fort
Presque tous les dirigeants des groupes politiques du Parlement ont applaudi l’Espagne en général, et Pedro Sánchez en particulier, pour être véritablement pro-Européens.
Pour Guy Verhostadt, chef de file de l’ALDE, l’Espagne est probablement le pays le plus pro-européen en Europe « parce qu’il a le courage de parler d’une Europe fédérale. Et il n’y a pas tant de collègues qui viennent ici et ont ce courage. »
Ce n’est pas un hasard, a-t-il estimé, si l’histoire de l’Espagne est profondément liée à l’intégration européenne.
Le gouvernement socialiste plaide pour un programme européen depuis qu’il a pris le pouvoir en Espagne en juin dernier à la suite d’un gouvernement qui a fait profil bas pendant des années durant les débats européens.