Les ventes de produits bios sont en hausse en Europe, avec une croissance de 13 % rien qu’en 2015. Une situation qui n’est pas reflétée par les réformes législatives proposées par l’UE. Langues : English | Deutsch
Martin Haüsling est un eurodéputé allemand des Verts. Il fait partie de la commission parlementaire sur l’agriculture et le développement rural.
L’UE réglemente la production, le traitement et l’étiquetage des produits biologiques depuis 25 ans. Une réforme de cette législation est en cours de discussion depuis trois ans. Lundi (le 5 juin), un trilogue sur le sujet n’a pas abouti. Quel est le problème ?
La présidence maltaise du Conseil a annulé le trilogue la veille. Sa justification est qu’il n’y avait pas d’accord au sein du Conseil. Nous savions qu’il y avait des difficultés, mais il est étrange qu’il n’y ait même pas eu de réunion ou d’explication supplémentaire. Les groupes [politiques du Parlement européen] ont écrit ensemble une lettre demandant la réouverture des discussions.
D’où vient l’opposition la plus farouche ?
Malheureusement, il n’y a pas un point de contentieux, mais 17. Les pays nordiques veulent plus de dérogations pour la culture en serre, les pays du sud veulent une application plus rapide des normes uniformes et les pays de l’est ne veulent pas de base de données. Quand les parties ne parviennent pas à mettre leur intérêt national entre parenthèses ou à faire preuve de souplesse, c’est fatal pour la législation européenne.
Les exigences spécifiques des États auraient-elles dû être mieux prises en compte durant les trois ans de négociations ?
Le principal problème, et ça doit être clair, est que la Commission a proposé un projet de réforme que ni le Parlement ni le Conseil ont jugé acceptable. Au Parlement, nous avons collaboré avec le Conseil pour parvenir à de nouvelles règles. Dans le cadre de la réglementation sur le bio, les intérêts des pays divergent. Même si nous avons une réglementation commune, les 28 ont des habitudes d’application très différentes. Nous voulions vraiment changer la réforme, mais une fois les règles en place, les États et groupes de pression sont très réticent à l’idée de modifier les pratiques nationales via des directives européennes.
Même certains pans du secteur bio allemand sont contre l’adoption de nouvelles règles et restrictions. Leurs porte-paroles assurent que les règles européennes mèneraient à un manque de surveillance. D’où viennent ces craintes ?
Les associations allemandes se sont opposées à une nouvelle réglementation dès le début. Les justifications de cette position changent constamment. Il y a un an, c’était à cause des cocktails de pesticides. Nous avons résolu ce problème. Aujourd’hui, elles critiquent l’application des contrôles inclue dans le projet législatifs. Je pense, tout comme le Parlement, que cette solution n’est pas la meilleure, mais elle n’est pas non plus très différente de ce qui se fait actuellement. Le problème de l’impossibilité de contrôle n’est que spéculation.
Vous estimez donc que la proposition actuelle est correctement développée ?
Bien sûr, certains aspects ne sont pas satisfaisants pour le Parlement.
Donnez-nous des exemples.
En ce qui concerne les pesticides, nous aurions voulu une proposition beaucoup plus ambitieuse que le compromis qui est envisagé. Nous ne voulions pas attendre cinq ans avant le rapport, mais souhaitions envoyer un message clair pour l’engagement [écologique] du secteur conventionnel et pour la protection des exploitations bios des effets des pesticides.
Le secteur bio survit parce qu’il a les bonnes grâces des consommateurs, qui font confiance à sa qualité. L’opposition des associations bios est-elle donc contraire aux intérêts de leurs consommateurs ?
Non, je pense que vous allez trop loin. Je pense que l’ancienne législation leur convenait, que les ventes sont très bonnes et que le bio n’a pas vraiment été entaché par des scandales ces dernières années. Le secteur bio allemand n’a donc pas vraiment de raison de changer. De plus, les associations allemandes font constamment évoluer les règles.
Mais nous avons toujours un problème en termes de normes européennes uniformes. Et c’est là qu’intervient l’UE. Le problème devient clair dès que l’on touche à l’importation. En Europe, il existe 64 standards différents. Bien sûr, l’harmonisation coûte cher et prend du temps, et il faudra peut-être instaurer davantage de contrôles. Je pense cependant que l’augmentation des importations dans l’UE rend pertinente l’instauration de règles de concurrences uniformes.
Le Parlement semble vouloir ménager des dérogations pour les importations provenant de pays tiers, via les accords de libre-échange comme le TTIP et le CETA.
En ce qui concerne le respect des normes européennes pour les importations, nous avons toujours été du même avis que les associations, surtout en ce qui concerne le TTIP et le CETA. Aujourd’hui, certaines d’entre elles estiment que ce n’est plus aussi important, mais il ne s’agit pas seulement du Canada et des États-Unis.
Une partie des céréales bios viennent de pays comme l’Ukraine ou le Kazakhstan, à la moitié du prix des produits européens. Il semble clair que dans ce cas les critères européens ne sont pas respectés. Les agriculteurs bios européens sont soumis à des règles strictes, donc si on achète à un producteur roumain, tout va bien, mais si on ajoute à cela des produits ukrainiens, qui proviennent peut-être du champ juste à côté, cela ne fonctionne plus. C’est pourquoi il faut mettre en place des règles d’importations, afin de mettre fin à cette distorsion de la concurrence.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Le commissaire Phil Hogan rencontre les ministres le 12 juin. Le Parlement estime que la fin de la présidence actuelle est la date butoir. La réforme doit donc être abandonnée ou adoptée le 12 juin.
Sinon la réforme tombe à l’eau ?
Ce serait le résultat le moins satisfaisant et nous nous retrouverions uniquement avec la législation existante, avec toutes ses faiblesses. Certaines associations militent pour une nouvelle proposition, mais cela n’arrivera pas.
Les eurodéputés veulent fermer ce dossier. Nous espérons donc un trilogue avant les vacances estivales afin de négocier les points qui posent problème, comme le système de contrôle.