par Jean Grosset, directeur de l’Observatoire du dialogue social
La crise que nous traversons avec la réforme des retraites suscite plusieurs réflexions.
Si le suffrage universel permet d’élire les représentants du peuple qui légifèrent souverainement, notre Constitution, qui intègre l’article 8 du préambule de la Constitution de 1946, dispose : « tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégué à la détermination collective de ses conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »
Ce texte enrichi en France, notamment par la loi Larcher, et en Europe par « le Socle européen des droits sociaux » pose les fondements d’une vraie démocratie sociale.
Certes, démocratie politique et démocratie sociale ont des légitimités différentes ; leurs démarches sont distinctes et leurs aspirations souvent contradictoires mais elles concourent l’une comme l’autre au service de l’intérêt général.
Ainsi, toutes les organisations syndicales françaises se sont faites les porte-paroles d’une opposition majoritaire dans le pays à la réforme des retraites présentée par le gouvernement.
Les millions de manifestants ont utilisé les cortèges syndicaux pour exprimer leur opposition et demander à l’Exécutif qu’on les entende …
Accepter de prendre en compte ce que portent, à un moment donné, toutes les organisations syndicales de ce pays n’est pas un aveu de faiblesse, mais au contraire une démarche de dialogue renforçant la démocratie politique.
Comme l’écrivait Alain Supiot ( Le Monde » du 16 mars 2023) : « Malgré tous leurs défauts, les syndicats ont de la réalité des conditions de vie et de travail de l’ensemble de la population, une connaissance dont aucun parti ni commentateur politique ne peut se prévaloir. »
Au-delà du seul dossier des retraites, toutes les questions soulevées dans cette crise nous renvoient directement à la question du travail. Les réponses existent et peuvent être traduites en revendications, propositions et négociations. Rapport au travail, santé au travail, démocratie au travail…
Mais pour que cela puisse se réaliser, encore faut-il que le pouvoir exécutif sorte d’une vision confuse, brutale et artificielle du dialogue social. Désormais, la balle est dans son camp.
C’est donc à cette large réflexion autour de la démocratie sociale dans notre pays qu’entend participer l’Observatoire du dialogue social en publiant notamment une étude sur les «éloignés du dialogue social ». Tant nous sommes convaincus que démocratie politique et démocratie sociale ne s’opposent pas mais se complètent.