La récente approbation par le gouvernement espagnol de l’accord sur les retraites, négocié avec les syndicats et validé par la Commission européenne, contraste singulièrement avec le conflit qui se déroule sur le même sujet en France et dans d’autres pays de l’Union au moment de la modernisation de cet pilier culminant de notre Etat-Providence, renforce l’équité inter et intra-générationnelle du système et garantit sa pérennité économique et sociale.
Il s’agit de la deuxième phase d’une réforme entamée en juillet 2021, après l’accord tripartite entre le gouvernement, les syndicats et les patrons, qui a annulé les coupes budgétaires imposées unilatéralement par le Parti populaire en 2013, ce qui signifiait alors la congélation des retraites (revalorisation maximale de 0,25 %) et anticipaient la perte progressive de leur pouvoir d’achat (-20 % dans les deux décennies suivantes).
C’est désormais un véritable changement de paradigme (de la réduction des dépenses à l’augmentation des revenus) qui renforce le caractère redistributif du système (déplafonnement de la base maximale de cotisation et augmentation des pensions minimales) et contribuera à réduire l’écart hommes-femmes et la précarité contractuelle (nouvelle formule de calcul pour combler les écarts de cotisation dus à des trajectoires d’emploi instables), garantissant l’actualisation automatique des retraites selon l’IPC (+8,5 % en 2023), pour les plus de neuf millions de retraités actuels et pour un montant total cette année de 190 687 millions d’euros, soit l’équivalent à 13 % du PIB.
Cet accord boucle le cercle entamée avec la réforme du travail et la hausse soutenue du salaire minimum (+47% ces quatre dernières années), de sorte que l’amélioration quantitative et qualitative de l’emploi (688 000 salariés de plus depuis fin 2021, dont 45,5% sont en CDI) contribue positivement à l’augmentation des recettes de cotisations à la Sécurité Sociale.
L’effet combiné des deux réformes permet d’affronter avec plus de confiance et de certitude l’élargissement nécessaire de la couverture du système de retraite dans les années à venir, dérivé de l’accès à celui-ci des baby-boomers (générations nées entre 1957 et 1977) et tout sans avoir besoin de se livrer à la « voracité de collecte » dont accuse la droite politique et économique.
En effet, la hausse des cotisations d’ici à 2050 fera passer le coût du travail de 23,4 euros par heure travaillée à 23,8 (une augmentation de 37 centimes !). Cela ne paraît pas excessif (la moyenne européenne est de 33,8 euros/heure) et c’est certainement beaucoup plus juste pour des millions de personnes, par ce qui semble difficile de comprendre l’opposition de ceux qui, avec des critères plus idéologiques que techniques, prédisent que la réforme des retraites étouffera les entreprises et empêchera la création d’emplois…, la même chose qu’on disait à l’époque contre la réforme du travail et la hausse du SMI et que l’évolution de notre marché du travail se charge de démentir à plusieurs reprises.
Pere J. Beneyto (Profesor titular de Sociología del Trabajo y de las Relaciones Laborales en la Facultad de Ciencias Sociales de la Universidad de Valencia)