La hausse des prix de l’énergie, l’inflation élevée et l’augmentation du nombre d’étudiants ont notamment entraîné une crise du logement pour les jeunes Européens.
Compte tenu des perspectives économiques actuelles, de nombreux jeunes sont contraints de retourner vivre chez leurs parents ou de rester en colocation plus longtemps que prévu.
Les étudiants peinent à se loger
Les étudiants souffrent eux aussi de cette crise. En Belgique, les étudiants et les jeunes doivent se résoudre à vivre dans des appartements et des maisons en colocation, à rester chez leurs parents ou même à revenir chez ceux-ci alors qu’ils avaient déjà quitté le foyer familial, un phénomène que l’on appelle les « enfants boomerang ».
Les étudiants français connaissent des problèmes similaires. La population étudiante n’a cessé d’augmenter en France, passant de 2,3 millions en 2010 à 2,785 millions en 2020, selon l’INSEE, tandis qu’une augmentation nette de 162 000 étudiants est prévue pour 2022.
Selon l’UNEF, organisation étudiante de gauche, cette situation a eu pour effet de pousser les étudiants à quitter les centres-villes où ils ne peuvent plus se permettre de se loger pour s’installer en périphérie, où les réseaux sociaux et d’aide sont parfois moins développés et où les frais de transport sont plus élevés.
Le loyer mensuel moyen des étudiants pour Paris et ses environs a bondi de 634 € en 2017 à 670 € en 2022 (soit une hausse de 5,68 %), les autres régions passant de 465 € en 2017 à 508 € en 2022 (soit une hausse de 9,25 %). De nombreux étudiants se sont également retrouvés contraints de cumuler un travail rémunéré avec leurs études, ce qui peut compromettre leurs performances académiques.
Aux Pays-Bas, le manque de logements pour les étudiants a atteint des niveaux records. Les étudiants souhaitant louer auprès d’une association de logement à Leyde se retrouvent sur liste d’attente pendant six ans et neuf mois en moyenne, selon les données de la plateforme de location ROOM. À Amsterdam, Delft et Wageningen, les étudiants qui s’inscrivent pour une chambre ou un studio doivent attendre entre cinq ans et cinq ans et demi, rapporte le média néerlandais RTL Nieuws.
Les solutions
Ces derniers mois, les provinces belges se sont efforcées de trouver des solutions à la hausse des loyers.
Le 1er octobre, le parlement flamand a annoncé un gel immédiat des loyers pour les propriétés dont l’efficacité énergétique est insuffisante. Vendredi (7 octobre), le gouvernement wallon a lui aussi annoncé une mesure similaire qui s’appliquerait à partir du 1er novembre.
Les logements dont le classement énergétique est A, B et C, pourront faire l’objet d’une indexation mais, pour ceux dont le classement est D, le loyer sera réduit à 75 % du montant initial, et pour ceux dont le classement est E, la réduction sera de 50 %. Pour les logements dont le PEB est classé F, les propriétaires ne pourront imposer aucune indexation à leurs locataires. En Wallonie, 75 % du parc locatif est concerné par une interdiction ou une limitation de l’indexation.
À Bruxelles, le parlement a approuvé la proposition de limitation de l’indexation des loyers pendant un an sur la base de la valeur énergétique du bien afin de lutter contre les « passoires énergétiques ».
Le gouvernement allemand s’est également efforcé de trouver des solutions et a fait de la crise du logement l’une de ses priorités. Dans l’accord de coalition, les libéraux, les sociaux-démocrates et les Verts ont exposé des plans sur la construction de 400 000 nouveaux appartements par an, dont 100 000 seront financés par des fonds publics. Un rapport de 2018 de la Fondation Hans Böckler a révélé qu’il manquait 1,9 million d’appartements à prix abordable dans les grandes villes.
Au Portugal, le président du Conseil national de la jeunesse estime qu’il devrait y avoir des solutions comme « un plafonnement des loyers, des concessions pour les jeunes qui choisissent de vivre dans les grands centres urbains, et davantage d’investissements ».
Les gouvernements doivent en faire davantage
Le gouvernement français a annoncé en juin dernier qu’il limiterait l’augmentation des loyers à 3,5 % pendant un an — mais cela ne suffit pas à aider les étudiants, estime l’UNEF. L’organisation demande plutôt la création d’une aide financière universelle de 1 110 euros par mois (35 milliards d’euros de dépenses publiques par an).
Quant au projet du gouvernement de construire 60 000 nouveaux logements étudiants entre 2018 et 2022, « seuls 36 000 avaient été construits à la fin de 2021 », a expliqué la FAGE, une autre organisation étudiante, à EURACTIV.
En Pologne, « l’État a mis tous les logements entre les mains des promoteurs. Les intérêts sont plus importants que les habitants, à qui il n’a rien à offrir. Il n’existe pas en Pologne de construction de logements à bas prix pour, au moins, les jeunes. […] La responsabilité est ici répartie sur de nombreuses personnes, non seulement celles liées au gouvernement et au parti Droit et Justice (PiS), mais aussi les administrations municipales et la Coalition civique (KO) », a indiqué à EURACTIV Ewa Andruszkiewicz, une activiste de l’Association des locataires de Varsovie et journaliste retraitée.
L’impact de la corruption sur les hausses de prix est encore plus clair en Albanie. On estime que plus de 700 millions d’euros de fonds illicites entrent dans le pays chaque année, et au cours des trois dernières années, quelque 1,6 milliard d’euros ont été acheminés vers la construction, l’Initiative mondiale contre le crime organisé transnational (GITOC) ayant noté en 2020 que les nouvelles constructions résidentielles ou commerciales étaient un moyen répandu de blanchir de l’argent.
Certains jeunes Européens estiment que c’est l’Union européenne qui devrait garantir un logement décent pour tous (69 % pour, 21 % contre), selon un rapport publié par la Foundation For European Progressive Studies et ThinkYoung, qui a interrogé environ 19 000 participants âgés de 16 à 38 ans. Le rapport ajoute également que, selon les jeunes, « l’UE devrait garantir des emplois décents et faire en sorte que les exigences socio-économiques minimales soient toujours satisfaites, par exemple en aidant ceux qui en ont le plus besoin et en mettant en œuvre un revenu minimum à l’échelle de l’Union, des allocations chômage et un logement décent à l’échelle de l’Union ».
« Si vous n’avez pas un bon logement, alors cela a un impact sur votre santé mentale et votre bien-être, ce qui signifie que cela vous empêche également de trouver un emploi de qualité, et ne pas avoir d’emploi de qualité vous empêche de trouver un logement décent et c’est une sorte de cercle vicieux, et nous devons briser le cycle », a conclu Mme Deshayes.