« Les élections européennes ont catapulté un certain nombre de journalistes au Parlement européen. Alors que le gouffre entre les institutions européennes et les citoyens reste béant, seront-ils en mesure de « mieux communiquer sur l’Europe »? Un article du réseau EurActiv. Certains journalistes de renom ont abandonné leur emploi pour se présenter aux élections européennes cette année. »
« Il y a tellement peu de gens qui montrent un profond intérêt pour l’UE, que cette évolution est logique », a expliqué Michaël Malherbe àEurActiv. Michaël Malherbe est un consultant qui travaille à Paris. Il est toutefois plus connu pour son blog, qui rencontre un franc succès, consacré à la communication de l’UE.
La question étant de savoir si ces journalistes, entrés récemment dans la politique, sont suffisamment compétents pour remplir leur mission de parlementaire. « Le travail de parlementaire est complexe. Pour ce qui est du travail en soi, les amendements, les rapports… Je ne suis pas sûr qu’ils soient meilleurs que les autres pour faire ça », a-t-il déclaré.
Grâce à leurs liens avec les médias nationaux, leur compréhension du jeu médiatique, ces nouveaux eurodéputés ont en revanche les outils pour mieux expliquer le travail du Parlement européen à la population.
Selon Johan Van Overtveldt, un journaliste belge qui vient de faire son entrée au Parlement européen, les journalistes « savent grosso modo comment s’y prendre pour communiquer avec les citoyens ». Leur présence accrue au sein du Parlement européen pourrait faire office de mégaphone ».
Michaël Malherbe partage ce point de vue : « dans tous les domaines qui concernent l’information aux citoyens, ils ont plus d’outils à leur disposition pour communiquer sur leur travail ».
« Je n’hésiterai pas à expliquer mon travail à un public non averti et à écrire des articles, à contribuer à des sites Internet ou à prendre contact avec la télévision », a expliqué l’ex-journaliste belge à EurActiv.
Qui sont ces nouveaux eurodéputés qui ont délaissé la salle de presse pour l’un des 751 sièges du Parlement européen ? Le réseau EurActiv en donne un premier aperçu non exhaustif :
Patrick O’Flynn, Parti de l’indépendance pour le Royaume-Uni (UKIP – Royaume-Uni)
Avant de devenir en avril dernier candidat pour l’UKIP, le parti eurosceptique britannique, le tout nouvel eurodéputé Patrick O’Flynn était le directeur du service politique du quotidien Daily Express. Le législateur britannique est une figure bien connue de Fleet Street, une rue où siègent de nombreux journaux britanniques.
Il endossera d’ailleurs le rôle de directeur de communication au sein du parti, dans la perspective des prochaines élections législatives. Des doutes subsistent cependant sur son intérêt pour le travail de parlementaire.
Patrick O’Flynn s’est également engagé dans la bataille du traitement médiatique de l’UKIP, en demandant que le leader de l’UKIP, Nigel Farage, bénéficie du même temps d’antenne que les autres à l’orée des législatives qui se tiendront en 2015. L’UKIP est maintenant « un grand parti », selon lui. Il a par ailleurs menacé de poursuivre en justice les médias si le parti ne faisait pas l’objet du même traitement médiatique que les autres partis.
Toti, Giuffrida, Maltese, Sassoli (Italie)
Le nouvel eurodéputé italien est une des figures de proue de l’empire médiatique de l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi, Mediaset. Giovanni Toti, également journaliste à Mediaset, a rejoint la Forza Italia au début de la campagne pour les européennes.
Le Parti démocrate du premier ministre Matteo Renzi a aussi recruté la journaliste Michela Giuffrida pour les européennes. Elle travaillait jusqu’alors pour le quotiden La Repubblica mais aussi pour plusieurs chaînes de télévision. Elle était la directrice de la Antenna Sicilia, la plus grande chaîne de Sicile, avant de se lancer dans la politique.
La liste de gauche radicale, L’Altra Europa con Tsipras, qui soutient la tête de liste de la gauche radicale, le Grec Alexis Tsipras et son parti Syriza, a fait de même. Elle a réussi à placer Curzio Maltese, éminent journaliste et écrivain italien pour La Repubblica.
David Sassoli (photo) est un ancien journaliste qui a rejoint le Parti démocrate en 2009. Il était déjà dans la législature précédente et a rempilé pour un deuxième mandat. Le commissaire italien, Antonio Tajani, a aussi commencé en tant que journaliste politique, avant de rejoindre le parti de Silvio Berlusconi en 1994.
Josu Juaristi, Les peuples décident (Espagne)
En Espagne, le cartel de trois partis indépendantistes, appelé Les peuples décident, a obtenu un siège lors des européennes. Leur tête de liste est Josu Juaristi, un ancien journaliste spécialisé sur les questions culturelles et les affaires européennes pour un certain nombre de médias papier dont Gara et Egin.
Nikolay Barekov, Bulgarie sans censure (Bulgarie)
Nikolay Barekov, ancien présentateur télé en Bulgarie, a créé la surprise lors des dernières élections européennes. Son parti, La Bulgarie sans censure, a obtenu 10,7 % des suffrages exprimés et ainsi obtenu deux sièges. Nikolay Barekov a indiqué qu’il verserait l’intégralité de ses revenus d’eurodéputé aux plus démunis de son pays et a appelé ses collègues à en faire autant.
Le présentateur est une figure controversée en Bulgarie. Son parti est considéré comme populiste. Sa campagne a été particulièrement coûteuse et il n’a pas pu justifier de manière convaincante ses sources de financement. Nikolay Barekov n’est pour l’instant affilié à aucun groupe et cherche à en intégrer un. Selon la presse bulgare, Nikolay Barekov pourrait rejoindre le groupe des Conservateurs et réformistes européens.
Kyrtsos, Spyraki et Kaili (Grèce)
En Grèce, la Nouvelle démocratie, le parti au gouvernement de l’actuel premier ministre grec, Antonis Samaras, est membre du PPE et a obtenu cinq sièges lors des européennes.
Parmi ses élus, Giorgos Kyrtsos, éditeur de City Press, avait fait ses premiers pas en politique en intégrant le Parti de l’alerte populaire orthodoxe en 2012. Cependant pour les européennes de 2014, il a rejoint la Nouvelle démocratie.
Maria Spyraki était rédactrice en chef au sein de la chaîne télé privée, Mega TV, avant les européennes. Récemment, elle a reconnu que les médias, y compris sa propre chaîne, avaient dissimulé un retrait massif des dépôts était en cours aux heures les plus sombres que traversait la Grèce en 2012.
Éva Kaili (photo), déménage également à Bruxelles après s’être engagée en politique auprès du Pasok en 2007.
Le Hyaric et Cavada (France)
Elu au Parlement européen en 2009, Patrick Le Hiaric n’a cependant jamais abandonné son autre emploi de directeur de quotidien communiste L’Humanité. Et il a dû batailler pour éviter qu’ils mettent la clé sous la porte.
« Au journal, je ne parle pas de mon activité au Parlement européen…de toute façon ils font ça très bien ici », a expliqué l’eurodéputé et vice-président de la Gauche unitaire européenne et de la gauche verte nordique àEurActiv.
>> Lire : Patrick Le Hyaric, l’eurodéputé patron de presse
Jean-Marie Cavada, membre de l’UDI-MoDem, a été réélu pour son troisième mandat au sein du Parlement européen. Il était auparavant un journaliste radio, animateur et directeur de l’information au sein de France 3, TF1et France 2 dans les années 1980 et 90. Âgé de 74 ans, Jean-Marie Cavada a opté d’entrer en politique dans la dernière phase de sa carrière.
Johan Van Overtveldt, N-VA (Belgique)
En Belgique, le parti séparatiste de l’Alliance néo-flamande (N-VA) a récupéré pour sa part l’éditeur en chef du magazine économique Trends tendances pour la campagne européenne. Il était d’ailleurs la tête de liste de ce parti aux européennes.
« J’étais de plus en plus frustré par les politiques nationales et j’ai constaté par la même occasion que mes billets d’opinion étaient de plus en plus proches du parti [de la N-VA] », a-t-il expliqué à EurActiv.
Jaromír Štětina, TOP09 (République tchèque)
Jaromir Štětina était déjà sénateur en République tchèque avant de commencer à faire campagne pour les européennes. Il a une longue histoire politique à son actif. Il était à la tête de plusieurs organisations qui font la promotion du journalisme indépendant à la suite de la guerre froide. L’homme a gagné en renommée quand il était correspondant de guerre dans différentes régions de l’Union soviétique.
Il a intégré la politique en tant que candidat vert indépendant, avant de rejoindre le parti de droite TOP 09, qui siège actuellement au sein du PPE. »