« En proposant un candidat pour la présidence de la Commission, le Traité de Lisbonne demande au Conseil européen de «tenir compte du résultat des élections au Parlement Européen» et affirme que le président de la Commission «doit être élu par le Parlement Européen». Ces instructions, ajoutées au Traité de Lisbonne par les gouvernements de l’UE, furent considérées comme une véritable rupture avec le passé. A partir de maintenant, le chef de l’organe de décision le plus puissant de l’UE serait ainsi élu de manière plus transparente et démocratique.
Nous trouvons que le fait de prétendre que ces modifications du Traité n’ont pas de signification, comme certains chefs de gouvernement l’ont fait, est déloyal. En tant que chefs d’Etat et de gouvernement, ils pensent que le choix du président de la Commission leur impute, et que le rôle du Parlement Européen est de le ratifier. Selon cette interprétation, le Parlement peut poser son veto, mais ne peut pas prendre d’initiative.
L’interprétation alternative, pour laquelle les principaux partis politiques ont opté avant les élections européennes, affirme que le Conseil doit prendre en compte le résultat des élections. Ainsi, les citoyens européens ont leur mot à dire sur qui peut prétendre diriger la Commission européenne, cette dernière disposant de l’initiative législative.
La première approche contribue à la perception que les citoyens n’ont aucun contrôle sur les décisions que Bruxelles, la «distante» capitale européenne, prend à leur insu. La seconde approche, quant à elle, souhaite rendre la souveraineté aux citoyens de l’Europe, à qui elle appartient. Elle cherche à contrecarrer le pouvoir excessif du Conseil par le biais du Parlement européen, élu démocratiquement.
En accord avec l’esprit du nouveau Traité, les familles politiques de l’Europe avaient nominé des candidats pour le poste de Président de la Commission avant l’élection. Les candidats ont mené une campagne éprouvante, de part et d’autre du continent. Plusieurs débats télévisés, diffusés en direct, ont eu lieu entre les candidats, et les médias se sont appliqués à couvrir leurs campagnes. Et, de manière décisive, les candidats ont débattu sur l’avenir de l’UE. Bref, ce fut la naissance de la politique démocratique de l’UE.
Nous reconnaissons que le système est loin d’être parfait. Néanmoins, ce fut un début encourageant, et avec le temps, ce processus a tout le potentiel de permettre aux citoyens de réellement s’engager dans la politique au niveau européen, bien plus qu’il ne leur a été possible jusqu’à maintenant.
C’est pour cela que nous exhortons les chefs de gouvernement à ne pas enterrer cette démocratie naissante. Nous exhortons les membres du Parlement Européen à se rassembler derrière le candidat qui a obtenu le plus de sièges. Le Parti Populaire Européen est sorti vainqueur des élections. Le Conseil Européen doit donc proposer le candidat du PPE : Jean-Claude Juncker.
Cela découlerait de l’esprit du nouveau Traité et serait aussi compatible avec la manière dont le chef de l’exécutif est choisi dans la plupart de nos constitutions nationales : où, après l’élection, le président ou monarque invite le candidat du parti principal à démontrer qu’il ou elle a le soutien de la majorité. Proposer quelqu’un d’autre que Juncker reviendrait à nier les changements qui ont été faits dans le Traité. Cela nuirait également aux balbutiements démocratiques de l’UE, et ferait le lit des eurosceptiques de tout le continent.
Cet appel est né à l’initiative de Stefan Collignon, Simon Hix et Roberto Castaldi.
Parmi ses premiers signataires figurent: Zygmunt Bauman, Ulrich Beck, Lorenzo Bini Smaghi, Paul De Grauwe, Anthony Giddens, Jürgen Habermas, Christian Lequene, Gianfranco Pasquino, Daniela Schwarzer, Costantinos Simitis, Hans-Werner Sinn, Mario Telò, Nadia Urbinati à côté de nombreux universitaires et directeurs de think-tanks de différents pays européens.
Pour adhérer: Roberto.Castaldi@cesue.eu ou www.cesue.eu