Les eurodéputés se sont accordés pour modifier la composition du Parlement dans la foulée du Brexit. Mais l’idée d’une liste transnationale pour les élections de 2019, défendue par Macron, n’a pas remporté la majorité des suffrages. Le projet clivant de liste transnationale n’a pas séduit les eurodéputés. Réunis à Strasbourg en session plénière le 7 février, les élus européens se sont prononcés contre la création de listes transnationales pour les élections européennes de 2019.
Très divisés sur la question, les élus européens se sont opposés lors d’un vote dont l’issue restait incertaine. La proposition initiale portée par les eurodéputés Danuta Hübner et Pedro Silva Pereira offrait de conserver 46 des 73 sièges laissés vacants par les Britanniques pour la création éventuelle d’une liste paneuropéenne. Et de redistribuer le reste aux États légèrement sous-représentés au Parlement.
Membre du principal groupe politique au Parlement européen, le PPE, Danuta Hübner a cependant fait face à l’opposition d’une large partie de sa famille politique. « Nous soutenons la répartition, mais nous sommes très inquiets concernant les listes transnationales » a rappelé Paulo Rangel (PPE) lors du débat. « Si nous ne sommes pas une fédération, pourquoi avons-nous besoin de telles listes ?» a-t-il interrogé.
Les groupes politiques eurosceptiques avaient eux aussi adopté une ligne de vote opposée aux listes transnationales, préconisant la suppression des sièges laissés vacants pour réaliser des économies. « Supprimer les eurodéputés britanniques ferait au moins économiser 40 millions d’euros, donc supprimons au moins 73 eurodéputés », a réclamé l’eurodéputé Marcel de Graff, coprésident du groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL).
Cet argument économique a également été repris dans les rangs de la gauche radicale. « Dans notre groupe, certaines voix se sont élevées pour la suppression de ces sièges, pour réduire le nombre d’élus et les coûts de fonctionnement» a reconnu la présidente du groupe GUE/NGL, Gabriele Zimmer.
Enfin, la question de l’éloignement des élus européens de leur circonscription a été évoquée à plusieurs reprises, notamment dans les rangs du PPE, qui s’est inquiété de l’éloignement toujours plus important entre les eurodéputés et leur circonscription. « Nous allons créer des listes transnationales avec des super politiciens qui ne se préoccuperont jamais des circonscriptions ! » a mis en garde Markus Pieper (PPE) lors du débat.
À l’inverse, la vice-présidente du Parlement européen Mairead McGuinness (PPE) a manifesté son soutien à l’idée d’une liste transnationale lors du débat. « J’aime l’idée que des collègues eurodéputés de certains pays iraient parler à des citoyens d’autres pays que le leur », a-t-elle souligné.
À l’issu du vote, le Parlement européen a finalement décidé de réduire le nombre d’eurodéputés, de 751 à 705 pour les prochaines élections, et de supprimer la réserve de députés initialement prévue pour la constitution d’une liste transnationale.
Redistribution
Les 27 sièges restants ont cependant été affectés à une large majorité au rééquilibrage de la composition du Parlement européen. Selon le texte adopté par 552 voix pour, 109 contre et 17 abstentions, les pays dont la population a augmenté récupèreront des sièges lors des prochaines. C’est d’ailleurs la France qui obtient le rééquilibrage le plus important, avec un gain de 5 sièges de plus, passant de 74 à 79 élus.
« Le principe de proportionnalité dégressive reflète la volonté partagée d’avoir une assemblée équitable », a rappelé l’élu luxembourgeois, Charles Goerens. Cette nouvelle répartition doit maintenant être validée par les chefs d’État et de gouvernement, qui se réunissent à Bruxelles le 23 février pour un sommet informel.
Double revers
Ce vote du Parlement constitue un double revers pour le président français Emmanuel Macron, qui avait fait de la création d’une liste paneuropéenne un des fers de lance de sa vision pour la relance de l’Europe. Mais qui s’était aussi opposé au système actuel de « Spitzenkandidaten » pour les prochaines élections européennes, un dispositif à l’inverse plébiscité par les eurodéputés lors d’un vote qui s’est tenu le même jour.
Annoncée dans le discours du président à la Sorbonne en septembre 2017, l’idée des listes transnationales est d’ailleurs déjà présente dans le projet de loi français sur les élections européennes. Et le concept de « Spitzenkandidat », qui avait permis aux partis politiques européens de désigner leur candidat à la présidence de la Commission en 2014, a obtenu un large soutien dans l’hémicycle, en dépit de l’opposition frontale de Macron, qui souhaite que les chefs d’État et de gouvernement reprennent la main sur le système de candidature.
« Après la mise en place très contestable d’une circonscription unique en France, les listes transnationales, soutenues à bras-le-corps par Emmanuel Macron, auraient été un gadget inutile, injuste et inapplicable », s’est exclamé Franck Proust, président de la délégation française du PPE.
L’idée des listes transnationales est régulièrement revenue dans le débat européen depuis les années 90, comme le souligne un rapport de l’Institut Institut Jacques Delors. La création d’une liste paneuropéenne pour les élections qui se déroule tous les 5 ans dans chaque pays pourrait permettre, selon le rapport, de sortir des « préoccupations essentiellement conjoncturelles, nationales et partisanes » qui dominent souvent les campagnes électorales européennes, « sans que le projet européen et les débats autour de ses enjeux, ne soient réellement mis en avant ».
Et peut-être redonner un coup de fouet à une participation en baisse depuis des années, et ayant chuté à 42% de participation en moyenne lors du scrutin de 2014.
Par : Cécile Barbière