Document réalisé par le Groupe de Travail commun
«Politique financière et Union sociale» du SPÖ et du SPD à Bruxelles (juin 2013)
Les partisans de l’euro n’ont pas la tâche facile de nos jours car des experts auto-proclamés considèrent cette monnaie comme vouée à l’échec. Nous publions ce document pour démystifier la crise et réfuter les erreurs les plus répandues en laissant parler les faits pour poser le bon diagnostic. Sans vouloir corroborer la fracture nord-sud en Europe, l’Allemagne et l’Autriche ont des convergences dans l’analyse de la situation et se sentent en proximité avec des pays comme la Hollande et la Finlande.
MYTHE N°1
« Le mieux, c’est de sortir de la zone Euro »
Une des critiques principales formulées contre l’euro est que, pour réguler l’évolution économique propre à chaque pays, il suffit de jouer sur le cours des monnaies (dévaluer) alors qu’actuellement l’ajustement au niveau européen ne peut être effectué qu’en augmentant la pression fiscale et en baissant les salaires.
Sans aborder la question technique du retour aux monnaies nationales, il faut savoir que les monnaies quittant l’euro seraient fortement dévaluées et que les détenteurs de capitaux de ces pays tenteraient de préserver leurs économies en les transférant dans les pays plus stables. Cette fuite de capitaux accentuerait la crise monétaire. L’Allemagne et l’Autriche qui pourraient se croire à l’abri subiraient une dégradation importante de leurs capacités d’exportation. Enfin, les crédits en euros accordés aux ménages et entreprises des pays quittant le SME resteraient libellés en euros, seraient donc réévalués et risqueraient de ne plus être honorés, mettant en difficulté les banques des pays créanciers.
MYTHE N°2
« L’euro est en crise »
L’euro n’est pas en crise. Il est stable par rapport aux autres monnaies et l’inflation reste inférieure en moyenne à ce qu’elle était avant la création de l’euro.
La crise est celle de quelques états européens qui ont des difficultés à refinancer leur dette et faute d’une réelle volonté politique, c’est également la crise de l’Union Monétaire. Le déclencheur de la crise a été l’éclatement de la bulle immobilière aux USA avec des conséquences directes pour le commerce mondial et la production industrielle, également pour les institutions bancaires européennes.
Pour éviter la récession, les gouvernements ont mis en œuvre des programmes d’aide conjoncturelle exceptionnels. Dans ce contexte sont apparues les faiblesses de quelques pays = caisses vides, endettement élevé, activité économique en baisse avec un risque de faillite de l’état.
MYTHE N°3
« C’est la faute de la dette des états »
A l’exception de la Grèce, la crise ne vient pas d’une absence de discipline budgétaire ou d’une dette publique exorbitante. Elle trouve son point de départ dans l’endettement excessif des ménages et des entreprises dans un contexte de spéculation sur les prix de l’immobilier. L’état s’est vu contraint d’intervenir pour atténuer le choc au moment où il a dû aussi soutenir les banques. La dette publique n’est donc souvent que le symptôme d’un problème plus profond. Les banques et les états sont liés au point que, en l’absence d’une réelle concertation, les unes ou les autres peuvent s’effondrer. La solution est à rechercher dans une vraie Union Bancaire.
MYTHE N°4
« Il n’y a pas d’alternative : il faut faire des économies »
Contrairement aux idées reçues, un état ne peut pas assainir ses finances en faisant des économies (en diminuant les dépenses et en augmentant les recettes) ; c’est la bonne manière pour faire faillite. Il n’en va pas du budget de l’état comme de celui des particuliers et des entreprises. Le revenu national baisse lorsque les partenaires commerciaux réduisent leurs dépenses, lorsque les ménages ne consomment plus, lorsque les entreprises n’investissent plus et que l’état diminue ses prestations.
Une politique drastique d’économies entraîne une diminution du PIB ce qui aggrave la situation économique.
MYTHE N°5
« Nous vivons au-dessus de nos moyens »
L’opinion publique de nos pays pense que les pays en crise ont vécu de nombreuses années au-dessus de leurs moyens. C’est le boom financé à crédit qui a donné l’illusion de la prospérité économique. Avant la crise les salaires étaient en effet modérés et maintenant ce sont les mêmes qui supportent les conséquences des choix effectués par les banques, les investisseurs, les gouvernements et les organismes internationaux pour qui la croissance économique devait être accélérée.
En fait, l’Allemagne et l’Autriche vivent au-dessous de leurs moyens. La pression sur les salaires fait que le pouvoir d’achat ayant été limité, la demande intérieure a diminué et que les investisseurs se sont tourné vers le sud de l’Europe et y ont aggravé les tendances spéculatives en particulier dans l’immobilier. Notre réussite à l’exportation s’explique par la forte demande dans ces pays.
La faible augmentation des salaires en Allemagne dans la première décennie n’est pas la conséquence de la politique monétaire européenne mais l’objectif assumé des hommes politiques et des partenaires sociaux du pays.
MYTHE N°6
« Les pays en crise sont peu enclins aux réformes »
Cette critique globale n’est pas fondée car plusieurs des pays touchés par la crise avaient antérieurement entrepris des réformes douloureuses, par exemple en ce qui concerne l’âge de départ à la retraite. On dit que l’Allemagne et l’Autriche ont mieux anticipé, par exemple en Allemagne avec la flexibilisation du marché du travail (Agenda 2010 ou les lois Harz I-IV). Ce qui est vrai, c’est que dans un pays comme l’Irlande où la dérégulation a été plus radicale, la crise a frappé très durement. Autre exemple, l’Espagne qui a supprimé toute disposition protégeant les jeunes du licenciement et qui a un taux de chômage de plus de 50% chez les jeunes.
Pour faire baisser le risque de survenue de crises économiques et financières en Europe, une réforme de la régulation des marchés financiers et la création d’un contrôle européen des banques sont nécessaires, par exemple en plaçant la restructuration du système bancaire et la garantie des dépôts sous le contrôle communautaire.
Mais là, l’Allemagne et l’Autriche ont le pied sur le frein.
MYTHE N°7
« La planche à billets est source d’inflation »
Si la Banque Centrale met plus d’argent en circulation, les prix augmentent quand toutes les capacités économiques sont exploitées, ca qui n’est le cas dans aucun des pays européens. Au contraire, beaucoup de ressources sont inutilisées, en premier lieu la main d’œuvre. Les risques inflationnistes sont donc tout à fait exclus, d’autant plus que le secteur bancaire distribue les crédits de façon timorée. L’objectif retenu par la BCE d’une inflation à 2% par an a été obtenu en moyenne en Europe au cours de la décennie précédente. Un taux de 3% présenterait même des avantages si l’on se réfère aux années 80 et 90.
MYTHE N°8
« Les aides financières ne font que retarder la faillite »
Les aides financières ne sont pas des cadeaux faits aux pays en crise. Il s’agit de crédits qui doivent être remboursés et dont les intérêts versés sont des recettes pour les pays prêteurs.
La question de savoir si les prêts seront honorés dépend pour l’essentiel des taux d’intérêts que les pays emprunteurs sont contraints d’accepter. Plus ils sont faibles et plus les chances sont grandes que le crédit sera remboursé totalement. Or il se trouve que les taux d’intérêt sont fixés en fonction de l’appréciation que portent les acteurs des marchés sur les capacités de remboursement des emprunteurs. Les aides renforcent la crédibilité de ces pays.
MYTHE N°9
« Ce qui les intéresse, c’est seulement notre argent »
Nous ne devons pas oublier la responsabilité des banques allemandes dans la spéculation dans les pays en crise. Mais au-delà de cette constatation, il y a que nos contributions qui sont des emprunts d’état obtenus à des taux extrêmement faibles nous sont restituées avec des marges d’intérêts plus élevées. Contrairement aux commentaires des populistes, nous sommes donc gagnants. Les crédits communautaires (Eurobonds) auraient l’avantage d’élargir l’offre d’emprunt et donc de réduire les risques spéculatifs. Ils auraient cependant comme condition une discipline budgétaire nationale stricte.
MYTHE N°10
« Le pire est derrière nous »
Les mesures prises par la BCE ont empêché l’effondrement de l’espace monétaire européen. Mais elles n’ont permis que de retarder l’échéance tant que des décisions ne sont pas prises par exemple l’union bancaire. Le coût économique et social du plan d’économies imposé est une bombe à retardement.
Malgré les progrès réalisés dans les pays en crise en terme de compétitivité et d’organisation économique, il reste trois obstacles à surmonter : les économies exigées pèsent sur la demande intérieure, l’amélioration de la balance commerciale valorise l’euro et fait perdre de la compétitivité et la déflation est apparue dans les pays en crise.
SOLUTION GLOBALE : UNE UNION MONETAIRE A DIMENSION SOCIALE
Nous avons besoin d’une Union Bancaire qui soit une Union de contrôle des banques dans le but d’assurer pour les citoyens la sécurité des transactions et la confiance dans le système, mais aussi pour faire payer la crise à ceux qui en sont les auteurs.
Nous avons besoin d’une Union pour la justice fiscale, qui concerne non seulement les règles budgétaires mais également le niveau des minimums sociaux, la fermeture des paradis fiscaux, l’allègement des charges pour les revenus faibles et moyens… Nous avons besoin d’une nouvelle impulsion pour la croissance et l’emploi dans le cadre d’un budget européen avec des emprunts communautaires.
Nous avons besoin d’une Union économique et sociale qui permette que les partenaires sociaux européens jouent pleinement leur rôle dans la gouvernance de l’UE. Les réformes structurelles doivent intégrer la rentabilité économique et les garanties sociales (flexisécurité), telles que le salaire minimum garanti négocié ou légal.
L’Union politique enfin doit à terme justifier la réforme monétaire et combler le déficit démocratique de l’UE en faisant que la volonté du citoyen européen soit prise en compte simultanément au Parlement européen et dans les Parlements nationaux et mise en œuvre par un exécutif européen disposant des pouvoirs nécessaires.
CR rédigé par Daniel Priou (avril 2014)