Le Parlement européen et les États membres sont parvenus à un accord sur la création d’une nouvelle Autorité européenne du travail pour protéger les droits des travailleurs. Et lancer des enquêtes transfrontalières en cas d’abus potentiels.
« L’Autorité européenne du travail (ELA) est une pièce manquante importante du puzzle » pour garantir que l’Europe maintienne « la mobilité libre et équitable de la main-d’œuvre », a déclaré le 14 février le rapporteur du Parlement, Jeroen Lenaers (PPE, Pays-Bas).
Malgré les progrès réalisés ces dernières années dans l’amélioration de certaines règles de l’UE, y compris la directive sur le détachement de travailleurs, la mise en œuvre et l’application de la législation restent un défi, a-t-il déclaré.
En conséquence, plus de 17 millions de travailleurs vivant ou travaillant dans un autre État membre sont exposés à d’éventuelles violations de leurs droits, en raison d’une mauvaise application des règles de l’UE, de la désinformation ou du manque de coordination entre États membres.
« À l’heure où 17 millions d’Européens vivent ou travaillent dans un autre État membre de l’Union, il est grand temps qu’une Autorité européenne du travail vienne soutenir nos citoyens mobiles, faciliter le travail de nos États membres et garantir l’équité et la confiance dans notre marché unique », a pour sa part déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission.
Sa commissaire à l’emploi, Marianne Thyssen, a souligné le caractère opérationnel de la nouvelle entité, qui vise à aider les capitales à faire respecter les règles et à organiser des inspections en cas d’abus potentiels.
« L’accord intervenu aujourd’hui à propos de l’Autorité européenne du travail est la cerise sur le gâteau d’un marché du travail équitable en Europe. Sa mission sera double : elle permettra d’aider les autorités nationales à lutter contre la fraude et les abus et de faciliter la mobilité des citoyens », a-t-elle déclaré.
À cette fin, le nouvel organe a finalement été conçu comme une autorité, selon les vœux du Parlement et de la Commission, et non d’une agence aux pouvoirs édulcorés, comme l’auraient voulu certains États membres.
Il n’a ainsi pas été facile de convaincre l’Allemagne, qui craignait une confusion lors de la traduction en allemand. Les pays nordiques et les pays de l’Est n’y étaient pas favorables non plus. Au final, la proposition a tout de même reçu le soutien d’une majorité qualifiée d’États membres (au moins 16 États membres représentant 65 % de la population).
L’accord conclu par les négociateurs des institutions doit maintenant être ratifié par la plénière du Parlement et le Conseil.
Inspections
Le ministre roumain du Travail et de la Justice sociale, Marius-Constantin Budăi, dont le pays préside le Conseil, a indiqué que l’accord représentait « une nouvelle étape importante pour assurer le bon fonctionnement du marché du travail européen ». Il a souligné que les États membres « ne participeront aux activités de l’ELA que sur une base volontaire ».
Jeroen Lenaers a cependant averti qu’il ne serait pas si facile d’échapper à l‘autorité, et notamment à ses inspections « conjointes ou concertées » en cas d’infractions potentielles malgré les autorités nationales.
Les pays qui refusent de participer à ces inspections devront fournir non seulement leurs raisons, mais aussi des idées et des plans pour traiter les plaintes soulevées. En outre, l’ELA pourrait prendre des mesures pour assurer un suivi approprié dans les États membres qui ne participeraient pas. Le Parlement est « très satisfait » de l’accord final, a assuré Jeroen Lenaers.
L’accord a également été bien accueilli par les syndicats. « Ce n’est pas parfait, mais c’est une réussite », a estimé Liina Carr, secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats.
Les syndicats ont par exemple convaincu les colégislateurs d’inclure la possibilité de porter plainte directement auprès de l’ELA, au lieu de devoir passer par les autorités nationales. Si les droits d’un travailleur sont bafoués dans un État membre où il est détaché, il pourra ainsi porter plainte auprès de ses syndicats nationaux, qui transmettront le dossier à l’autorité européenne.
Sécurité sociale
Les syndicats se sont également félicités de la possibilité d’aborder les questions de sécurité sociale dans le cadre du nouvel organe, à laquelle certains États membres s’étaient aussi montrés réticents.
Liina Carr a toutefois regretté que certains secteurs essentiels, dont les transports, aient été exclus de l’accord, suite aux pressions de la Pologne et d’autres pays de l’Est. Le texte comprend cela dit une clause de révision qui permettra d’élargir les domaines couverts à l’avenir.
La nouvelle autorité jouera également un rôle important dans la lutte contre les entités frauduleuses, telles que les « boîtes aux lettres » créées dans des pays comme le Luxembourg à des fins d’évasion fiscale.
Les droits des travailleurs, en particulier les transfrontaliers, sont l’un des domaines les plus sensibles de la législation européenne ces dernières années. Cela n’a pas empêché l’accord d’être conclu en en un temps record. La proposition a été présentée en mars de l’année dernière et le premier trilogue incluant les équipes de négociation du Parlement, du Conseil et de la Commission a eu lieu en décembre.
« C’est une nouvelle extraordinaire », s’est réjoui Jeroen Lenaers. « Cela montre l’engagement de toutes les institutions. »
BusinessEurope n’a pas répondu à notre demande de commentaires.
La création de l’ELA est également considérée comme une avancée concrète pour les entreprises et les travailleurs, alors que l’action de l’UE sera jugée par les électeurs lors du scrutin de mai prochain.
L’autorité « assurera une mobilité équitable et renforcera la confiance et l’équité dans le marché intérieur », a résumé Jeroen Lenaers.
« Aujourd’hui, nous faisons un nouveau grand pas en avant dans la réalisation de notre engagement en faveur d’une Europe plus sociale », a renchéri Jean-Claude Juncker.
Par : Jorge Valero