Les Socialistes et Démocrates ont fait marche arrière sur un accord conclu avec le Parti populaire européen au Parlement européen sur le TTIP, laissant planer l’incertitude sur le vote final du 10 juin. Lors de leur réunion à Bruxelles le 3 juin, le groupe S&D du Parlement européen a réaffirmé sa position initiale, adoptée fin mars, qui est d’exclure la clause d’arbitrage de l’accord.
La semaine dernière (28 mai), après de longues tractations qui ont duré jusque tard dans la nuit entre les partis politiques, la commission parlementaire sur le commerce international a adopté une résolution non contraignante qui donnait le feu vert à la Commission européenne sur le TTIP et a reconnu que la clause controversée sur l’arbitrage, bien que réformée, devait être intégrée dans l’accord.
Pas d’arbitrage privé
« Le S&D n’acceptera aucune sorte d’arbitrage privé. Le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) n’est définitivement pas la bonne solution. De chaque côté, les États-Unis et l’Union européenne ont des tribunaux nationaux fiables qui peuvent régler les différends en suivant la procédure habituelle », a déclaré l’eurodéputé David Martin, porte-parole du S&D sur le commerce.
Le droit des gouvernements de réglementer dans l’intérêt public doit être « sans équivoque, et le principe d’égalité des droits entre investisseurs étrangers et nationaux doit être sauvegardé », a-t-il insisté.
Course contre la montre
Le S&D a uni ses forces avec les Verts, qui ont reproché aux eurodéputés socialistes de s’être rangés derrière le centre droit la semaine dernière pour garantir une issue fade et aseptisée au lieu de représenter la voix de l’opinion publique, vent debout contre la clause d’arbitrage du TTIP.
La Commission n’a pas encore réagi. Les jours à venir vont se transformer en une course contre la montre pour trouver un compromis. S’ils n’y parviennent pas, les eurodéputés risquent de rompre les rangs de leur parti politique et de voter selon leur logique nationale.
Des spécialistes craignent qu’une résolution rejetant le RDIE n’ouvre la boite de Pandore de l’accord commercial entre le Canada et l’UE (CETA), qui comprend également une clause RDIE « réformée ».
En mars, le S&D avait souligné que le cas du CETA n’avait rien à voir avec celui du TTIP, puisque les négociations étaient déjà closes.
« Nous insistons toutefois sur le fait que ces réformes sont clairement insuffisantes pour combler les lacunes », indiquait le document.
Tribunal permanent et multilatéral
Treize commissions parlementaires ont donné leur avis sur le TTIP et toutes ont accepté l’inclusion du RDIE malgré le tollé général que cette clause a engendré. L’opinion publique refuse de permettre aux entreprises d’avoir recours aux tribunaux extra-judiciaire pour contester l’autorité de l’État ou les lois nationales.
Pour dissiper ces craintes, la Commission a présenté les différentes étapes à franchir pour transformer le RDIE en un système qui fonctionne davantage comme un tribunal traditionnel. Cela passe notamment par la nomination d’arbitres permanents ayant les mêmes qualifications que des juges nationaux et par l’introduction d’une cour d’appel bilatérale.
Parallèlement, l’UE veut travailler à la mise en place d’un tribunal permanent et multilatéral pour l’investissement, composé de juges titulaires, qui remplacerait petit à petit le système bilatéral.
Les eurodéputés ne s’étaient pas laissés convaincre par la proposition de la Commission, mais lui ont finalement accordé leur soutien conditionnel. Toutefois, la résolution sera votée par le Parlement européen lors d’une session plénière au mois de juin.
« Cette résolution, attendue depuis longtemps, annonce la fin du RDIE », a déclaré Bernd Lange, président S&D de la commission pour le commerce, après le vote de la semaine dernière.
Ce pourrait être la fin du RDIE tel que nous le connaissons à Bruxelles. Les États membres pourraient faire des propositions sur la manière dont ils vont sortir de l’impasse, à l’image de la France, qui défend un projet de cour européenne de règlement des différends auprès de Bruxelles.