L’affaire des prêts souscrits par le Front national auprès d’une banque russe fait grand bruit en France comme au Parlement européen. Elle révèle surtout la volonté du parti d’extrême droite de se rapprocher de la Russie, un modèle selon Marine Le Pen. 9 millions d’euros. C’est la somme que le Front national a confirmé avoir obtenue de la First Czech Russian Bank, un établissement bancaire privé russe à la suite de révélations du site d’information Médiapart. Le Front national a ainsi fait jouer ses relations notamment en se servant d’un de ses parlementaires européens, Jean-Luc Schaffhauser.
« La demande venait de mon ami Bernard Monot, à qui Marine Le Pen avait donné pour mission de trouver des financements. Il s’est tourné vers moi parce qu’il dit que je suis ‘l’homme des missions impossibles’ », explique l’ancien consultant international pour Dassault, précisant qu’il connait un certain nombre de responsables financiers en Russie.
« Nous nous sommes tournés en dernier lieu vers la Russie après avoir essayé en France, en Suisse et au Moyen-Orient. On ne s’est pas tourner vers une banque d’État car on savait que ça allait faire une affaire d’État », indique l’eurodéputé précisant que cette affaire date de juin 2013 et qu’il a laissé son avocat la gérer.
Selon Jean-Luc Schaffhauser, ses liens avec la Russie sont beaucoup plus anciens que ses relations avec le Front national. « Un lien d’amitié fondé sur l’idée d’Europe indépendante », affirme-t-il considérant que le concept « d’occident » est faux.
« L’homme des missions impossibles »
Également conseiller municipal et communautaire à Strasbourg, cet ancien consultant international est un électron libre de l’extrême droite. Il n’est ni adhérent du Front national ni du Rassemblement Bleu Marine – l’association de Marine Le Pen affiliée au FN – bien que sa fiche sur le site du parlement européen le mentionne. Pour lui, c’est avant tout une question d’indépendance : « Je suis serviteur de l’État, pas d’un parti », explique-t-il.
Selon le Front national, c’est la frilosité des banques françaises qui a poussé le parti à chercher des financements à l’étranger. Pour Jean-Luc Schaffhauser, le coupable est Nicolas Sarkozy avec l’affaire de ses comptes de campagne pour l’élection présidentielle de 2012. « Sarkozy nous a fait beaucoup de tord », souligne-t-il.
Assemblée nationale et Parlement européen y mettent leur grain de sel
A Paris comme à Bruxelles, l’emprunt russe du Front national ne laisse personne indifférent. Ainsi un député socialiste à l’Assemblée nationale a demandé le 2 décembre qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée. « Les conditions de ces prêts, ainsi que l’origine exclusivement russe des fonds, posent une question majeure dont le Parlement doit se saisir », a-t-il déclaré à l’AFP.
En effet, selon le code électoral, « aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger ».
Par ailleurs, selon un article de Médiapart paru le 3 décembre et repris par Rue89 Strasbourg, le président du Parlement européen, Martin Schulz, devrait demander une enquête sur le rôle joué par Jean-Luc Schaffhauser dans l’octroi de l’emprunt russe au Front national. Ce n’est pas tant sur l’emprunt que le Parlement européen se pose des questions que sur la rémunération à hauteur de 100.000 euros de compensation qu’il a touchés en tant que consultant.
En effet, dans sa déclaration d’intérêt, le député indique bien avoir exercé la profession de consultant pendant les trois années précédant son élection mais ne l’indique pas dans le tableau concernant les activités régulières menées en parallèle de son mandat ni dans celui des activités extérieures occasionnelles.
Poutine, un modèle pour le Front national
La sympathie de Marine Le Pen pour la Russie de Poutine est connue de longue date. Dans une interview accordée à la chaîne Euronews, la patronne du Front national est revenue sur l’admiration qu’elle porte à Vladimir Poutine. Elle a ainsi indiqué avoir vu d’un « bon œil l’arrivée d’un gouvernement qui a mis au pas les apparatchiks et qui a développé un patriotisme économique. »
Elle explique ainsi admirer que le président russe « ait réussi à rendre à une grande nation qui a été tout de même humiliée et persécutée pendant 70 ans, une fierté, une joie de vivre ».
Enfin, Marine Le Pen accuse l’Union européenne d’avoir jeté la Crimée dans les bras de Vladimir Poutine. « Je pense que la Crimée ne serait pas revenue à la Russie si en Ukraine l’Union européenne n’avait pas poussé en reconnaissant un gouvernement qui était en l’occurrence totalement illégitime. L’Union européenne a commis une erreur majeure », a-t-elle déclaré.
Une position que défendent aussi ses collègues du Front national. Ainsi l’eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser a déclaré en plénière en octobre dernier « dans quelques années, c’est la population de l’ouest après celle de l’est de l’Ukraine qui saura que l’Union et ses institutions européennes apportent l’instabilité politique et économique ».
Début novembre il s’est d’ailleurs rendu dans la région du Donbass en Ukraine en tant qu’observateur des élections organisées le 2 novembre par les séparatistes du Donbass à l’est de l’Ukraine. Un déplacement fait en dehors de tout mandat officiel du Parlement européen.