« Officiellement, le sommet du G7 devait se concentrer sur l’Ukraine, et la Russie, en l’absence de Vladimir Poutine. Mais en coulisse, il a été beaucoup question de la bataille engagée pour ou contre Jean-Claude Juncker comme président de la Commission européenne. Angela Merkel a défendu, dans la soirée du mercredi 4 juin, le candidat de la droite face à David Cameron. Chose rare en marge d’un sommet, le rendez-vous a eu lieu dans la résidence de l’ambassadeur britannique, là où le premier ministre conservateur loge quand il est à Bruxelles. La discussion a été « franche », ont expliqué les diplomate anglais. Un peu plus tôt dans l’après-midi, François Hollande, la chancelière, et Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, s’étaient rencontrés brièvement pour discuter de la désignation du prochain président de la Commission européenne. Preuve que Français, Britanniques, et Allemands ont encore besoin d’accorder leurs violons dans cette affaire.
François Hollande soutient à ce stade l’ancien chef du gouvernement luxembourgeois, tandis que la chancelière allemande a souligné mercredi les risques qu’il y aurait à isoler le Royaume-Uni, dont le premier ministre ne veut pas entendre parler de Jean-Claude Juncker. « Il faut trouver une porte de sortie qui permette à tout le monde de sauver la face », indique un diplomate européen. Pour lui, Jean-Claude Juncker est tout à fait ouvert pour trouver un terrain d’entente avec le Britannique, à condition qu’il laisse la zone euro s’intégrer davantage, et cesse ses attaques contre la libre-circulation des personnes, dans son combat contre le« tourisme social ».
Au Parlement européen, les différentes familles politiques se mettent le plus vite possible en ordre de bataille pour peser dans les débats. Le Bavarois Manfred Weber (CSU) été élu mercredi à la tête du groupe Parti populaire européen, en remplacement du Français Joseph Daul (UMP). « Notre objectif est de placer notre candidat à la tête de la Commission », a indiqué l’élu allemand : « Ce devrait être et ce sera Jean-Claude Juncker ». L’ancien président de l’Eurogroupe devait rencontrer les élus de droite jeudi 5 juin dans la matinée.Mais le chef de file de la droite n’aurait pas encore parlé au dirigeant britannique depuis les élections européennes du 25 mai alors qu’il a rencontré, ou joint au téléphone l’ensemble de ses homologues. Dont deux fois Angela Merkel.
Chez les socialistes, c’est Martin Schulz qui pilotera les discussions. Candidat malheureux à la présidence de la Commission, le social-démocrate allemand devrait être désigné le 18 juin président par intérim du groupe socialiste. Il est déjà en contact avec M. Juncker, afin de constituer une grande coalition entre la droite et la gauche. « L’idée est de forger une alliance entre PPE et socialistes, sans les libéraux ni les Verts », affirme un diplomate européen.
A elles deux, les deux familles disposent de quelque 410 sièges, soit une quarantaine de plus que la majorité absolue requise pour élire le successeur de José Manuel Barroso. Un détail que MM. Juncker et Schulz ne manqueront pas de rappeler à Herman Van Rompuy lorsque celui-ci commencera ses consultations officielles avec le Parlement européen, la semaine prochaine.
Guy Verhofstadt, Martin Schulz, Ska Keller et Jean-Claude Juncker, le 28 avril à Maastricht. John Thys/AFP
Les autres familles pro-européennes ne veulent pas être en reste. Libéraux et écologistes se disent prêts à négocier avec le candidat officiel de la droite, afin de peser face aux chefs d’Etat et de gouvernement.« C’est une lutte de pouvoir, les citoyens attendent que le Conseil européen respecte leur vote »,assure Rebecca Harms, qui assurait jusqu’ici la présidence du groupe parlementaire Vert avec Daniel Cohn-Bendit :« Désigner Christine Lagarde, ou toute autre personnalité, serait une provocation », prévient-elle.
Par ailleurs, l’eurodéputé allemande aura du fil à retordre pour garder son poste à la présidence du groupe parlementaire : la chef de file du parti écologiste pendant la campagne électorale, Ska Keller, lui conteste la place. Trois hommes se disputent le deuxième poste de coprésident : le Français Yannick Jadot, le Belge Philippe Lamberts et le Néerlandais Bas Eickhout. »
Philippe Ricard