« L’ambassade américaine de Berlin a annoncé sur Twitter qu’elle proposait jusqu’à 20.000 dollars à tout projet pro-TTIP. Une initiative qui provoque l’indignation outre-Rhin. »
Le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) n’irrite pas qu’en France. Ce partenariat, censé générer croissance et emploi selon ses défenseurs, est une source d’inquiétude pour un nombre croissant d’européens.
De nombreux acteurs de la société civile craignent que les clauses favorables aux investisseurs permettent aux multinationales de détricoter la législation européenne si elles se considèrent lésés dans leur recherche de profit. L’ambassade américaine à Berlin en a fait les frais, en déclenchant un tollé en Allemagne avec un simple tweet.
« Vous êtes pro-TTIP et insatisfait de la couverture négative dont il fait l’objet ? Envoyez-nous vos idées et nous vous soutiendrons ! » a publié l’ambassade.
Des diplomates américains ont expliqué que le tweet avait pour but de lancer un concours, qui permettrait de relever le niveau du débat dans la sphère publique et de dépasser le cliché « du poulet au chlore », explique Peter Claussen, diplomate américain à Berlin. Néanmoins, les réponses au tweet n’ont pas été très enthousiastes :
« @U.S. Embassy : Vos services de communication sur le TTIP ne sauveront pas ce projet quel que soit la somme que vous avancez », peut-on lire.
« @U.S. Embassy, voici mon projet :la démocratie n’a jamais été aussi bon marché :en vente à 545 € par an et par foyer seulement! » dit un autre tweet.
Un troisième internaute écrit « Tout d’abord, j’ai cru que cette campagne pro-TTIP de l’ambassade américaine était une farce… »
« Pour parler franchement, nous avons eu énormément de réponses à la suite de ce tweet qui n’étaient pas particulièrement positives », a indiqué le diplomate à EurActiv.
Des attaques particulièrement acerbes
« Beaucoup de débats [sur le TTIP] manquent vraiment de nuances », a poursuivi Peter Claussen.« Nous cherchions un moyen pour encourager les gens à confronter différents points de vue en leur ouvrant un espace et en leur posant la question suivante :« Le monde entier est-il contre le projet ou existe-t-il certaines personnes qui ont un point de vue différent sur la question ? Nous voulions ouvrir le dialogue, ce qui est la raison d’être des médias ».
L’ambassade était en quête d’idées positives en faveur du TTIP, mais les détracteurs de ce projet ont répliqué que le gouvernement américain n’avait pas à entreprendre ce genre d’initiative. « En tant qu’administration publique, vous avez une responsabilité d’une autre nature », a expliqué à EurActiv Pia Eberhardt, porte-parole du Corporate Europe Observatory (CEO), un groupe militant contre le lobby des multinationales.
« Ce serait une initiative acceptable si elle venait de l’industrie. Le gouvernement américain a toutefois le devoir de négocier au nom de tous ses citoyens et non exclusivement au nom de la grande industrie », selon elle. « Si de larges pans de la population se révèlent contre l’accord, l’attitude appropriée serait de reconsidérer [le projet] et d’écouter les voix de vos opposants », a-t-elle ajouté.
Une étude de Pew Research a montré récemment qu’une majorité d’Allemands et d’Américains soutenait l’accord transatlantique. Mais, la même étude a aussi révélé que 96 % des Allemands faisaient confiance au cadre européen sur la protection environnementale européenne tandis que seulement 2 % des Américains considéraient leur cadre réglementaire national comme digne de confiance.
Le centre droit allemand a commencé à exprimer son scepticisme quant à l’accord. Pour Washington, un tel phénomène souligne la nécessité d’entreprendre de nouvelles initiatives, comme le concours proposé sur Twitter.
Une diabolisation problématique
« Ce stéréotype du poulet au chlore est simplificateur et diabolise le débat. [Cette stratégie] laisse penser que les normes sont différentes [aux États-Unis] et que les responsables politiques ont abordé la question en Allemagne », selon le diplomate américain. Peter Claussen lui préfère l’image de deux partenaires qui se serrent la main et qui ont travaillé dur pendant de longues années en vue d’améliorer leurs relations commerciales.
Les projets proposés jusqu’à ce jour vont des conférences à des activités en ligne, en passant par une variété de programmes en ligne, a-t-il précisé. Le diplomate a indiqué que toutes les ambassades américaines en Europe travaillaient en vue de promouvoir le partenariat, mais que le principe d’un concours sur Twitter était une initiative uniquement de l’ambassade américaine à Berlin.
La documentation américaine sur le projet explique que les récompenses pourraient également être attribuées à différents projets comme « une page twitter lors d’une conférence [sur le TTIP] », des forums de discussion en ligne, des sites Internet sur le partenariat, des affiches numériques en allemand avec un code QR. Le but est avant tout d’informer sur les objectifs poursuivis par le TTIP. « Étant donné la nature même du médium, nous pensons que les jeunes pourraient répondre de façon plus active que les autres utilisateurs », selon lui.
Une campagne qui s’intensifie
Les détracteurs du partenariat considèrent que l’entreprise de l’ambassade américaine est une campagne de propagande. Selon eux, en plus de montrer un manque d’inspiration, cette initiative prouve que l’ambassade est en train de perdre la campagne de communication sur le partenariat.
« C’est un signe clair et définitif d’un premier succès de ce mouvement contre le TTIP qui gagne en force », selon Pia Eberhardt.« Je suis certaine que [l’ambassade américaine] craint d’avoir perdu le débat public ces derniers mois – tout du moins en Allemagne – et donc elle intervient avec plus de ressources ».
« Mais c’est aussi un signe qui montre que les défenseurs de l’accord au sein du gouvernement et dans les milieux des affaires vont investir bien plus dans les mois qui viennent en vue de vendre le TTIP au public », a-t-elle mis en garde.
Corporate Europe Observatory affirme que des lobbyistes de l’indutrie embauchent actuellement des chargés de relations publiques et devrait renforcer les campagnes pro-TTIP dans les mois à venir. »