David Cameron a vu son discours préféré validé par la Cour de justice de l’union européenne le 11 novembre dernier. Dans un arrêt, la CJUE a autorisé les Etats membres à refuser les aides sociales à des ressortissants communautaires qui ne rechercheraient pas d’emploi. Pour Philip Cordery, député des Français du Benelux, cette décision ne tient pas compte des réalités.
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt, le 11 novembre dernier, qui affirme que les États de l’Union européenne ne sont pas tenus de verser des prestations sociales à des citoyens européens d’autres États membres et se rendant sur leur territoire dans le seul but de bénéficier de l’aide sociale.
Si cette décision de la CJUE vient confirmer une partie de la directive 2004/38 sur les « citoyens de l’Union », elle ne règle en aucune manière certaines ambiguïtés persistantes.
Je veux, dans ce débat, prévenir un écueil, celui de la stigmatisation.
La mobilité européenne n’est pas guidée par la fraude
Depuis des mois, l’extrême-droite et une partie de la droite européennes crient haro sur un prétendu « tourisme social », comme si la mobilité européenne n’était guidée que par la fraude, comme si les étrangers étaient la cause des déficits de la sécurité sociale.
Encore la semaine dernière, David Cameron dans un discours sur l’immigration a déclaré vouloir limiter l’accès aux prestations sociales des immigrés en provenance de l’Union européenne, cédant ainsi à la pression des courants europhobes conservateurs. Ce ne sont que les fantasmes de ceux qui stigmatisent sans cesse l’étranger.
Non, les étrangers communautaires ne sont pas que des nantis qui fuient l’impôt ou des pauvres qui fraudent pour bénéficier des aides sociales. Les chiffres le démontent d’ailleurs totalement.
En 2013, en France, 86% des allocataires du RSA sont Français, tandis que 12% sont des étrangers extracommunautaires et seuls 2% sont des étrangers communautaires.
Selon un rapport de la Commission européenne de la même année, les mobilités intracommunautaires sont d’abord motivées par le travail. Les étrangers communautaires inactifs ne représentent que 0,7 % de la population totale de l’UE.
De plus, le vrai tourisme social revêt une toute autre réalité, celle de permettre à tous, y compris ceux qui ont peu de moyens, de partir en vacances et de pratiquer des activités de loisir. Que d’amalgames…
Des ressortissants intégrés dans leur pays d’accueil
Le problème est que la directive européenne 2004/38 ne prend pas en compte les très nombreuses situations de citoyens européens installés et intégrés dans un pays membre de l’Union européenne depuis moins de cinq ans et qui rencontrent des difficultés financières passagères.
C’est le cas de jeunes qui ont étudié ou effectué des stages dans le pays, de personnes qui passent de petits boulots en périodes de recherche et qui ne cotisent pas assez d’heures pour être indemnisées, d’indépendants qui ont du mal à remplir leurs heures, de chefs d’entreprises qui font faillite, etc.
Au regard du droit européen, ces personnes, si elles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins, n’ont pas le droit aux aides sociales et peuvent se retrouver en situation d’expulsion. Et ce, même si elles sont intégrées depuis trois ou quatre ans dans le pays, ont des enfants scolarisés et leur environnement social dans leur pays d’accueil. Cet arrêt ne clarifie en rien ces situations.
En 2013, 176 Français, et au total 2712 ressortissants européens, ont reçu un ordre de quitter le territoire belge car ils représentaient « une charge déraisonnable pour le système social ». Un entrepreneur qui présentait des difficultés financières ponctuelles suite à la perte d’un contrat, une famille française résidant depuis trois ans en Belgique et dont la mère de famille occupait un emploi aidé, une artiste indépendante qui avait du mal à boucler les fins de mois…
Ces citoyens français intégrés en Belgique ne demandaient qu’une aide pour faire face à des difficultés passagères. Ils furent menacés d’expulsion vers la France, parfois à 50 km seulement de là où ils habitaient.
Or, ces personnes, comme des milliers d’autres, possédaient un lien incontestable avec leur pays d’accueil.
La distinction doit être faite
Je plaide ainsi pour qu’une distinction soit clairement établie entre d’une part, les personnes, très minoritaires, qui s’installent dans le seul but de bénéficier des aides sociales et d’autre part, ceux qui ont un lien établi avec le pays d’accueil et veulent continuer à y vivre.
L’Union européenne devrait définir ces critères de lien avec le pays d’accueil, comme par exemple l’exercice d’une activité, salariée ou non, la scolarisation d’enfants, la présence depuis plus de cinq ans de membres de la famille…
Les citoyens qui remplissent effectivement ces critères de lien avec le pays d’accueil et qui présentent une difficulté financière passagère pourraient ainsi, bénéficier normalement des aides sociales et être protégés d’une expulsion du territoire.
La liberté de circulation et d’installation, fondement essentiel du projet européen ne peut pas être réservée uniquement à ceux qui en ont les moyens. Elle doit être la même pour tous. L’Europe sociale n’est pas qu’un slogan. Elle doit devenir une réalité.