La Commission européenne va utiliser les « LuxLeaks pour étayer ses enquêtes sur l’évitement fiscal au niveau européen, a annoncé la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager. Et tenter de relancer la mise en place d’une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés en UE.
Les documents, appelés « Luxleaks », ont démontré que plus de 300 sociétés, dont PepsiCo Inc, AIG Inc et la Deutsche Bank AG, ont conclu des accords secrets avec le Luxembourg afin de réduire considérablement leurs impôts.
Les multinationales semblent avoir fait transiter des centaines de milliards d’euros par le Luxembourg et ainsi économisé des milliards d’euros de taxes, selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui a rendu publiques des enquêtes fondées sur l’analyse de près de 28 000 pages confidentielles.
Le Luxembourg accorde donc un traitement fiscal avantageux à ces entreprises, en vertu de décisions anticipées privées ou lettres d’intention. Des révélations qui ont embarrasé le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, premier ministre du Luxembourg au moment des faits, entre 1995 et 2003.
Informations commerciales
« Nous considérons la fuite luxembourgeoise comme des informations commerciales. Nous allons donc examiner de près ces documents et décider si, oui ou non, d’autres dossiers seront ouverts », a expliqué Margrethe Vestager lors d’une conférence de presse.
La commissaire a ajouté que sa première priorité était de finaliser les quatre enquêtes en cours sur de possibles règles fiscales abusives dans certains États membres. L’exécutif européen, a ainsi engagé deux enquêtes au Luxembourg, une aux Pays-Bas et une en Irlande.
La Commission espère avoir fini ces enquêtes d’ici le deuxième quadrimestre de 2015, en vertu de leur statut éminemment prioritaire, a également annoncé la commissaire. L’enquête sur les arrangements fiscaux dévoilés par les « Luxleaks » pourrait donc se faire avec l’expertise technique acquise lors des cas précédent. Malgré une coopération « positive et ouverte » avec les autorités fiscales luxembourgeoises, Margrethe Vestager a confirmé que tous les documents demandés par la Commission ne lui avaient pas encore été fournis.
Un débat plus large sur la fiscalité
Il y a une semaine, Jean-Claude Juncker a défendu le comportement fiscale du Luxembourg en affirmant qu’il s’agissait là de pratiques courantes dans 22 États membres et conformes à la législation européenne tant que les bénéfices étaient appliqués de manière non discriminatoire.
Selon Margrethe Vestager, les documents des « Luxleaks » ont donné naissance à un débat plus large dans l’UE, dont elle espère tirer parti pour enfin faire passer la proposition concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS).
« J’espère que la prise de conscience engendrée par les documents du Consortium international des journalistes d’investigation nous permettra de passer cette loi, qui serait profitable pour les citoyens, mais aussi pour les entreprise qui n’ont pas de planification fiscale », souligne la commissaire à la concurrence.
Le projet d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés avait été déterré lors de la crise de la dette souveraine, mais n’avait pas récolté assez de soutien au Conseil des ministres, qui représente tous les États membres, que pour passer. Selon les règles européennes, tout accord sur la fiscalité requiert un vote à l’unanimité, ce qui rend l’ACCIS presque impossible.
Dans le contexte actuel du débat sur l’évitement fiscal des sociétés, Jean-Claude Juncker s’est également exprimé en faveur de règles fiscales communes pour les sociétés.
Mercredi 12 novembre, il a déclaré avoir œuvré toute sa vie pour une meilleure harmonisation fiscale. En tant que président de la Commission, il a d’ailleurs proposé au collège des commissaires de rendre l’échange automatique de décisions anticipées obligatoire dans l’UE.
Pierre Moscovici, commissaire aux affaires économiques et financières, travaillerait déjà à l’élaboration d’une proposition.