
Si le SARS-CoV-2 fait trembler tous les secteurs économiques, il touche surtout les jeunes débarquant sur le marché de l’emploi. Selon Nicolas Schmit, l’UE doit redoubler d’efforts pour surmonter ces défis et éviter l’apparition d’une nouvelle « génération perdue ».
Nicolas Schmit est commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux.
Les taux élevés de chômage chez les jeunes pourraient en pousser certains à accepter des emplois sous-payés ou à se diriger vers des stages simplement pour bénéficier d’une certaine expérience dans le monde du travail. Comment la Commission européenne entend-elle résoudre ce problème ?
Pour l’instant, nous voyons que les personnes sous contrats précaires et temporaires sont les premières à perdre leur emploi. Alors que les entreprises se relèvent doucement de la crise, nous pourrions être confrontés à un autre problème : les emplois peu qualifiants. L’exécutif européen prendra des mesures pour éviter que cela ne se produise.
Nous avons déjà lancé plusieurs initiatives afin de venir en aide aux travailleurs – et employeurs – pour surmonter les défis qui se profilent à l’horizon.
En juillet, nous avons présenté un plan de bataille visant à soutenir l’emploi des jeunes, le paquet « Youth Employment Support (YES) ». Le but ? Renforcer la « Garantie pour la jeunesse », un engagement fructueux pris par le navire européen de veiller à ce que tous les jeunes âgés de moins de 25 ans puissent bénéficier d’une offre de qualité pour un emploi, une formation continue, un apprentissage ou un stage. Nous sommes également sur le point de renouveler l’Alliance européenne pour l’apprentissage (EAfA), qui a déjà offert plus de 900 000 possibilités d’apprentissage.
Plus tard ce mois-ci, la Commission adoptera une proposition sur le salaire minimum équitable. La pauvreté au travail est un problème majeur au sein du bloc. Ceux qui perçoivent un salaire minimum devraient pouvoir vivre correctement. Et c’est l’objectif que nous nous fixons avec ce cadre. Si nous investissons dans la main-d’œuvre, nous verrons également une augmentation de la productivité. Il ne s’agit donc pas seulement d’un problème social, mais aussi économique.
De plus, nous œuvrons pour endiguer la précarisation du travail. Dans deux ans, les travailleurs les plus précaires jouiront de tous nouveaux droits en vertu du droit européen. Les travailleurs « à la demande » auront, par exemple, le droit de savoir quels seront les créneaux horaires durant lesquels ils pourront être appelés, et ils pourront demander une indemnisation si un employeur annule la mission de travail brusquement.
Les modifications apportées par la Commission européenne à la « Garantie pour la jeunesse » renforcée ont été bien reçues, mais des craintes persistent sur le manque de sensibilisation. Autrement dit, seuls ceux dits « privilégiés » et « bien informés » pourraient y avoir accès. Que fait la Commission pour mettre en lumière le programme ?
Je suis d’accord. Nous devons redoubler d’efforts pour tenir les jeunes informés des différentes opportunités offertes par la « Garantie pour la jeunesse ». Nous le faisons à l’échelle européenne, mais bien entendu, cette sensibilisation est la plus efficace lorsqu’elle est faite à l’échelle nationale et locale. Dans notre programme renforcé, la portée de nos messages et actions constitue une priorité. Elle revêt une importance capitale, car elle aborde les difficultés des groupes vulnérables parmi les jeunes.
Un autre problème réside dans le fait que la « Garantie pour l’Europe » est un engagement tombant sous le cadre européen, et les mesures nationales qui en découlent ont parfois d’autres noms. Dès lors, nous recommandons d’utiliser un style visuel reconnaissable dans les communications faites à l’échelle nationale.
De surcroît, nous invitons les pays européens à utiliser des canaux d’informations modernes, tournés vers la jeunesse et locaux, tels que les réseaux sociaux, ainsi qu’à impliquer les jeunes et les organisations locales de jeunesse dans la mise en place des mesures de la « Garantie pour la jeunesse ».
Une des nouveautés populaires du programme renforcé est l’extension de l’éligibilité de 25 à 29 ans. Toutefois, comment l’UE aide-t-elle ceux plus âgés, mais toujours « jeunes travailleurs », c’est-à-dire des personnes qui ont dû surmonter deux crises : le krach boursier de 2008 et la pandémie actuelle ?
Nous avons en effet étendu l’éligibilité du programme. Cette action était primordiale, car en raison des répercussions économiques néfastes du Covid-19, une plus grande part des 25-29 ans sera touchée par le chômage et nécessitera du soutien. La « Garantie pour la jeunesse » doit servir de filet afin d’attraper et d’aider les plus vulnérables.
Toutefois, le programme ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Il existe beaucoup de plans d’actions similaires au sein des États membres qui ne présentent pas de limite d’âge. L’aide ne s’arrête pas à 30 ans. L’instrument européen SURE soutient les États membres et leurs citoyens à garder leur emploi ; son champ d’action est très pertinent pour les jeunes travailleurs susceptibles d’être renvoyés plus rapidement.
Ceux qui choisissent de se réorienter, par choix ou nécessité, tireront aussi profit de notre nouvelle stratégie européenne en matière de compétences qui vise, entre autres, à établir des partenariats entre les sociétés, partenaires sociaux et autres acteurs afin de pouvoir exploiter pleinement les opportunités de formation ou de perfectionnement.
La proposition de la Commission européenne aborde par ailleurs les disparités de genre dans le monde du travail. Elle se concentre en particulier sur la lutte contre les stéréotypes genrés dans le but d’encourager les femmes à étendre leurs choix de carrière et d’éducation. Allez-vous également lancer davantage d’actions liées aux causes des inégalités de genre afin de lutter contre les problèmes structurels bien ancrés, notamment l’absence de services de garde à l’enfance ?
Sur le marché de l’emploi, les femmes sont confrontées à de nombreux défis structurels, et il est primordial que nous nous attelions dans les plus brefs délais. C’est pourquoi, conformément à la « Garantie pour la jeunesse » renforcée, nous conseillons d’aborder les stéréotypes de genre dans les choix d’éducation et de carrière. La jeunesse – homme ou femme – devrait être encouragée à envisager de plus larges choix de formations et de carrières.
En mars, la Commission a adopté une stratégie ambitieuse et solide en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Celle-ci est encore plus pertinente aujourd’hui, alors que nous traversons une crise sanitaire. La lutte contre les inégalités et les stéréotypes dans le monde du travail ou le secteur des soins de santé constitue une priorité phare définie dans la stratégie.
À l’heure actuelle, des différences subsistent entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les responsabilités à assumer liées aux enfants. De même que lorsqu’une famille s’agrandit, des inégalités persistent entre le père et la mère sur le plan du salaire perçu. La directive européenne sur l’équilibre entre la vie professionnelle et privée instaure un congé de paternité, renforce le congé parental, met en place un congé pour les aidants et étend le droit existant de demander des formules souples de travail.
La Commission européenne invite les États membres à aller au-delà de ses normes minimales.
En outre, la proposition souligne que l’UE combattra contre la discrimination envers les groupes désavantagés, comme les minorités raciales et ethniques ou les personnes porteuses de handicaps. Le bloc abordera-t-il les problèmes structurels comme les inégalités dans le domaine de l’éducation ?
La discrimination contre les minorités ethniques et raciales n’est pas acceptable, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre ce fléau à plusieurs niveaux. Ainsi, garantir un accès équitable à une éducation de qualité pour tous pourrait être une bonne solution. Ces dernières années ont vu un bon nombre de réformes sur le plan de l’éducation et la formation.
Par ailleurs, le Covid-19 a particulièrement touché les élèves et étudiants porteurs de handicaps. Il ne faut pas oublier qu’ils ont droit à un enseignement inclusif. La Commission œuvre actuellement dans ce sens, en lançant des actions par le biais de l’actuelle et prochaine stratégie européenne en faveur des personnes handicapées.
Le droit européen interdit toute forme de discrimination dans le monde du travail sur fond de handicap et âge. La législation liée à l’accessibilité a été adoptée récemment afin de mettre les produits et services du quotidien à disposition des personnes porteuses de handicaps.
Par : Sarah Lawton | EURACTIV.com | translated by Nathanaël Herman