Stockholm Correspondance :
« Le taux de demandeurs d’emploi a atteint 5,3 % en février, un record depuis août 2009 .Pour le troisième mois consécutif, le taux de chômage a baissé au Danemark. Il est tombé de 5,4 % à 5,3 % au mois de février, le chiffre le plus bas depuis août 2009, en baisse de 0,6 % par rapport à février
2013. Dans ce pays de 5,6 millions d’habitants, membre de l’Union européenne, seuls 140 600 personnes sont au chômage, soit 2 700 de moins qu’en janvier.
Souvent montré en exemple en France pour son modèle de marché du travail qui mélange flexibilité et sécurité, le Danemark n’avait pas échappé aux conséquences catastrophiques de la crise financière de 2008. Son économie, l’une des plus performantes d’Europe, avait même commencé à entrer en crise avant l’automne 2008, en raison de la raréfaction de la maind’œuvre disponible.
Ces bons chiffres sont salués par les syndicats et les économistes comme résultant en grande partie des réformes engagées par le gouvernement de gauche arrivé au pouvoir en 2011. Présentée en 2013, l’une des principales réformes, celle de l’aide sociale, est entrée en vigueur début 2014.
Les jeunes de moins de 30 ans sans diplômes mais disponibles pour le marché du travail cessent de recevoir l’aide sociale. Ils sont forcés de suivre une formation et touchent une allocation équivalente à la subvention que touchent les étudiants, soit 770 euros mensuels avant impôt. Une somme que touchent aussi désormais les jeunes chômeurs de moins de 30 ans avec une formation.
Avant cette réforme, les chômeurs de plus de 25 ans touchaient 1 400 euros d’aide sociale par mois avant impôt et ceux de moins de 25 ans, 900 euros par mois. Les jeunes de moins de 30 ans, qui pour une raison ou une autre ne sont pas prêts à suivre une formation, continuent toutefois à percevoir l’aide sociale tant qu’ils en cherchent une autre. Les bénéficiaires de cette aide sociale pouvant travailler doivent accepter des travaux au service de la communauté.
Le groupe de réflexion Kraka a présenté des statistiques montrant que 33 % des chômeurs trouvaient un emploi dans les derniers mois de leur période de prestation de deux ans. Avant la réforme entrée en vigueur en janvier, ce nombre était de 14 %, ce qui fait dire à l’économiste en chef de Kraka, Andreas Hojbjerre, que » la réforme fonctionne « .
» Trop tôt pour se réjouir »
» Il s’agit d’un très bon chiffre en apparence, estime pour sa part Tore Stramer, analyste en chef chez la banque Nykredit. Cependant, la baisse du taux de chômage a été favorisée de façon exceptionnelle par le travail de nettoyage effectué après les ouragans Bodil, début décembre 2013 et Allan, fin octobre 2013 . En outre, le taux de chômage diminue de façon artificielle par la réduction de la période de prestations. Il est donc trop tôt pour se réjouir. »
Rien n’est encore gagné pour certains, d’autant qu’une grande partie de ces emplois nouveaux ne sont que temporaires. La confédération syndicale 3F s’inquiète par ailleurs d’une augmentation de la pauvreté avec un nombre croissant de personnes exclues du système de prestations sociales.
Les responsables de l’Institut danois des statistiques ont d’ailleurs tempéré leur enthousiasme. Ils constatent qu’en raison des nouvelles réformes, certains chômeurs ont simplement changé de colonne. » Ces réformes ont contribué à une baisse du nombre de chômeurs bénéficiaires d’allocations depuis décembre 2013, mais cela n’a pas été suivi d’une augmentation correspondante du nombre de chômeurs entrés sur le marché du travail ou en apprentissage « , expliquentils.
Les prévisions de création d’emplois pour le reste de l’année restent prudentes, notamment à cause des prévisions de croissance estimée entre 1,3 % et 1,5 % du produit intérieur brut pour 2014.
Souvent loué pour sa politique de » flexisécurité « , le Danemark demeure l’un des pays avec la plus forte pression fiscale au monde, où deux tiers des Danois de plus de 18 ans travaillent dans la fonction publique ou sont dépendants de l’Etat pour leurs revenus.«
Olivier Truc © Le Monde