Dans l’Union européenne, la législation sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) diffère d’un pays à l’autre. Autorisé dans la majorité des pays, il reste en pratique limité dans certains cas, voire totalement interdit à Malte. L’Union européenne, elle, n’est pas compétente en la matière pour légiférer. Un droit à l’IVG encore limité dans certains pays :
Avortement interdit ou limité
La grande majorité des Etats membres autorise l’avortement. Il n’y a qu’à Malte que l’IVG est totalement interdite, quelle que soit la situation.
En Irlande, à Chypre, en Pologne, l’avortement n’est autorisé que dans certains cas.
En Irlande, l’IVG était totalement illégale et passible de 14 ans de prison jusque 2013. Pour que la législation évolue, il aura fallu attendre le scandale soulevé par la mort d’une jeune femme s’ayant vu refuser une IVG lors une fausse couche. L’acte est maintenant autorisé, mais est limité aux cas où la vie de la mère est en danger, y compris en cas de risque suicidaire reconnu par deux psychiatres et un obstétricien. Chaque année, des milliers d’Irlandaises se rendent donc dans un pays voisin autorisant l’IVG pour pouvoir avorter. Suite à l’ampleur prise par le mouvement pro-avortement dans le pays, le Premier ministre Leo Varadkar a annoncé en janvier 2018 la tenue d’un référendum. Les Irlandais se prononceront au mois de mai sur l’abrogation du 8ème amendement de la Constitution, qui reconnait au même titre le droit de vie du fœtus et celui de la mère. Cette abrogation rendrait possible une loi autorisant l’avortement dans le pays.
Pratiquée légalement en Pologne pendant plus de quarante ans, l’IVG a été de nouveau interdite en 1997. L’interruption de grossesse n’est désormais admise que pour des raisons strictes (viol, inceste, anomalie du fœtus ou risques pour la santé). Le droit à l’IVG est régulièrement attaqué dans le pays : en octobre 2016, face aux nombreuses manifestions, le Parlement polonais avait finalement rejeté un projet de loi visant une interdiction totale de l’avortement. Depuis janvier 2018, c’est un texte abolissant la possibilité d’avorter en cas de malformation du fœtus qui est à l’étude. Or, il s’agirait du motif invoqué pour 96% des avortements légaux en Pologne, d’après le comité « Stop Avortement ».
Chypre n’autorise l’IVG qu’en cas de risque majeur pour la santé, ou en cas de viol.
Avortement autorisé avec justifications
Au Royaume-Uni, l’Abortion Act de 1967 a légalisé l’IVG. Celui-ci n’est possible que si deux médecins donnent leur accord, pour raisons médicales (menaces pour la santé de la mère, enfant malformé ou handicapé) ou sociales. Une loi de 1990 réduit le délai pour avorter de 28 à 24 semaines. Seule exception : l’Irlande du Nord, qui n’autorise l’IVG qu’en cas de danger pour la vie de la mère. En octobre 2017, cette situation a conduit le gouvernement britannique à promulguer une loi permettant aux Nord-Irlandaises de pratiquer gratuitement l’IVG en Angleterre. Un remboursement des frais de voyages est également prévu pour les personnes à faible revenu.
En Scandinavie, la loi finlandaise rend l’IVG légale avant 17 ans ou après 40 ans, après quatre enfants ou en raison de difficultés économiques, sociales, ou de santé. En pratique, elle est toutefois aisée à obtenir.
Avortement autorisé sans justification
Les autres pays ont légalisé ou dépénalisé l’avortement, sans besoin de justification de la part de la femme qui décide de recourir à l’IVG.
En France, l’IVG a été autorisé par la loi Veil de 1975. Le délit d’entrave à l’IVG a quant à lui été définitivement adopté par le Parlement le 15 février 2017 : ce texte de loi prévoit de pénaliser les sites de « désinformation » sur l’IVG, qui agissent dans le but de dissuader ou d’induire intentionnellement en erreur les femmes qui souhaitent s’informer sur l’avortement.
Au Luxembourg, la dépénalisation de l’avortement date du 22 décembre 2014. Elle permet aujourd’hui aux Luxembourgeoises de recourir à l’IVG dans un délai de 12 semaines après le début de la grossesse, comme en France. Auparavant, l’interruption volontaire de grossesse n’était autorisée au Grand-duché qu’en cas de « détresse ».
Le délai maximal pour avorter varie de 10 semaines à 24 (au Royaume-Uni et aux Pays-Bas), plus de la moitié des pays ayant fixé cette limite à 12.
Réalité du droit à l’IVG : remises en question et difficultés d’accès
Un droit fragile
Si la plupart des pays européens autorisent maintenant l’IVG, son maintien est loin d’être une garantie. En décembre 2013, un projet de loi restreignant le droit à l’avortement en Espagne avait été approuvé en Conseil des ministres. Promesse électorale du Premier ministre conservateur Mariano Rajoy, il prévoyait de limiter l’IVG aux cas de grave danger pour la vie, la santé physique ou psychologique de la femme, ou de viol. Face aux nombreuses manifestations, le gouvernement a retiré le projet en septembre 2014. A la place, il a proposé une loi interdisant aux mineures d’avorter sans le consentement de leurs parents. Celle-ci a été adoptée par le Sénat en septembre 2015.
Au Portugal, le Parlement a adopté le 8 mars 2007 un projet de loi légalisant l’avortement jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Le 11 février 2007, les Portugais s’étaient prononcés par référendum : 59,3 % des votants avaient répondu « oui », contre 40,8 % de « non ». Le 22 juillet 2015, le gouvernement portugais a décidé d’amender sa loi en mettant à la charge des femmes tous les frais liés à l’arrêt de leur grossesse. Celles-ci doivent également se soumettre à un examen psychologique approfondi si elles souhaitent engager ce processus.
« Objection de conscience »
Enfin, dans la pratique, l’IVG reste fortement limitée dans certains pays. Les médecins peuvent en effet faire appel à la « clause de conscience », qui les autorise à ne pas pratiquer d’acte pouvant heurter leurs convictions éthiques, morales et religieuses. Si le taux de médecins objecteurs de conscience atteint en moyenne 10% en Europe, il représente par exemple 80% des praticiens en Italie, voire 90% dans certaines régions. Résultat : on compte dans le pays au moins 15 000 avortements clandestins par an selon le gouvernement. Des ONG avancent quant à elles le chiffre de 50 000.
La question de l’accès est également un sujet majeur en Slovaquie, où le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) s’inquiétait de l’impossibilité d’avorter légalement dans un tiers des districts. Comme au Portugal, les femmes doivent assurer elles-mêmes le coût de l’IVG, et doivent être accompagnées psychologiquement. Une réforme de 2009 instaure également leur signalement systématique au Centre national d’information sanitaire. En Europe, outre la Slovaquie, le HCDH a également fait part de sa préoccupation quant à la situation polonaise.