Brexit et migration vont jouer les crashs tests de l’UE en 2018, avec le verdict des élections européennes de 2019 en perspective. Mais la « Commission de la dernière chance » est déjà en retard sur son projet global. Si le jeune chef d’État français mène tambour battant son projet politique, au point de risquer d’être à court d’activité sur les dernières années de son quinquennat, l’exécutif européen est dans la situation inverse. Trois ans après les débuts de la Commission Juncker, tout reste à faire pour celle qui s’est autoproclamée la « Commission de la dernière chance ». Au niveau législatif, c’est l’embouteillage après deux ans d’encéphalogramme plat. Avec le paquet climat, dont la gouvernance de l’énergie, les objectifs climat 2030 qui seront sans doute révisés à la hausse, les objectifs d’énergie renouvelables, mais aussi une série de réformes économiques comme la collecte de la TVA, le marché unique numérique, les dernières réformes de l’union bancaire.
Avec une zone euro en meilleure forme et des niveaux de chômage au plus bas depuis une dizaine d’années, le moment semble propice à des réformes, mais de quelle ampleur : cosmétique ou réelle ? Pour l’heure, les dernières propositions de la Commission européenne font état d’un toilettage avec peu d’ambition, en reprenant les idées allemandes d’un « fonds monétaire européen », bien loin d’un véritable budget défendu par Macron. Or, avec le départ du Royaume-Uni, les 27 doivent compenser la perte de financement et inventer un nouveau budget pour l’après 2020. La discussion politique sur l’avenir de la zone euro est reportée au mois de mars, et la feuille de route en juin 2018.
Un test politique : l’Europe de Juncker est-elle moins libérale ?
Mais 2018 sera aussi un test de crédibilité pour l’UE : la Commission a promis d’être plus politique et de tourner la page d’une décennie de Commission Barroso « ultra-libérale », de l’aveu même de l’équipe actuelle. Mais au-delà du discours, la politique menée par la Commission Juncker est-elle effectivement plus sociale et moins orientée vers les entreprises que sa prédécesseure ?
La réponse à la question sera cruciale pour les élections européennes de 2019. Difficile de constater des changements majeurs du côté de la Commission, si ce n’est du côté de la direction générale à la Consurrence (DG Competition) où la commissaire Margrethe Vestager s’impose sur tous les fronts.
Sur les questions fiscales, en sommant l’Irlande et le Luxembourg de récupérer les aides d’État indues octroyées à Apple ou Amazon. Mais aussi sur les enjeux de concurrence pure et dure, où une nouvelle ligne plus pro-européenne semble voir le jour. Les fusions intra-européennes sont regardées avec un oeil moins critique, et le rapprochement d’Alstom et de Siemens notamment devrait se faire sans trop de soucis – alors que la position dominante du nouveau groupe en Europe en matière ferroviaire est assez évidente.
Mais ces éléments suffiront-ils à convaincre les citoyens européens que l’UE est une force de protection, à quelques mois des élections européennes : c’est tout l’enjeu de 2018.
Aujourd’hui, une partie de l’Europe centrale pose un véritable problème à l’état de droit et se rebelle contre les fondations mêmes de l’Europe. La Pologne fait l’objet d’une procédure de sanction de la part de l’exécutif européen qui va la priver de ses droits de vote au Conseil, pour non-respect de l’indépendance de la justice notamment. En Hongrie c’est la xénophobie qui pose problème au reste de l’Europe, et l’absence d’accueil de réfugiés.
Migration et Brexit, sources de divisions
Au niveau politique, plusieurs élections majeures sont attendues. Le calendrier politique allemand perturbe celui de la réforme de la zone euro, dont on attend néanmoins des avancées en juin 2018. En mars 2018 auront lieu des élections en Italie, qui font craindre une nouvelle poussée populiste.
La présidence tournante de l’UE sera en effet aux mains de gouvernements en coalition avec l’extrême-droite: avec la Bulgarie sur la première moitié de l’année, et l’Autriche sur la seconde partie. Une situation qui risque de pénaliser toute avancée pourtant nécessaire sur les questions des réfugiés, et qui pose aussi question sur le Brexit : les deux présidences seront-elles motivées pour faire pression sur l’accélération des négociations du Brexit ?
Car la sortie de l’UE du Royaume-Uni continue de prendre de l’énergie et du temps aux 27 qui restent pour l’heure très unis face au départ de leur partenaire. Est-ce que cette situation durera en 2018 : la réponse est sans doute non.
L’heure est en effet venue de négocier des enjeux qui affectent des questions sectorielles de l’économie britannique et européenne, et touche donc certains pays plus que d’autres, ce qui risque de créer des divisions.
Un fossé Europe/États unis de plus en plus profond
Au niveau géopolitique l’UE reste un nain politique, certes en train de mettre en place une force de défense commune sous la forme d’une force de coopération structurée. Mais face à la folie du président américain, l’UE a peu de marges de manœuvre, et ne peut que constater un fossé grandissant entre l’Europe et les États-Unis.
Les experts en géopolitique craignent que les États-Unis ne mettent en oeuvre leur menace de frapper la Corée du Nord au premier semestre 2018, ce qui aurait des répercussions notamment économiques sur l’UE et sa coopération avec les pays d’Asie du Sud-est, comme le souligne le think-tank ECFR.
La question de l’Iran est également une source de division profonde entre l’approche radicale et va-t-en-guerre des États-Unis, et la diplomatie plus tolérante de l’UE dont plusieurs pays tentent de renouer des liens économiques avec le pays en proie à des manifestations anti-régime importantes. Enfin la position de l’UE face à la Russie sera aussi un test d’union des 27, alors que les accords de Minsk sont visiblement violés régulièrement.
Par : Aline Robert