A l’occasion de la Journée de l’Europe, les présidents de région Carole Delga, Renaud Muselier, Jean Rottner et le gouverneur de la Macédoine centrale, Apostolos Tzitzikostas, appellent, dans une tribune au « Monde », à réformer le mode de fonctionnement de l’Union européenne en s’appuyant sur les collectivités locales et territoriales.
L’invasion brutale de l’Ukraine a rappelé aux vingt-sept Etats membres de l’Union européenne [UE] qu’en dépit de leurs différences ils sont étroitement liés par leur engagement en faveur de la paix, de valeurs fondamentales communes, de la démocratie et de la solidarité. Toutefois, l’Union européenne ne bénéficie que d’une faible confiance de la part du grand public.
Ainsi, si les résultats de la récente élection présidentielle en France ont procuré quelque soulagement, il ne convient pas de s’en réjouir puisque l’extrême droite y a recueilli 41 % des suffrages exprimés. A l’occasion de la Journée de l’Europe, après une année de débats dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, il est temps de réfléchir en toute honnêteté à la manière de réformer le mode de fonctionnement de l’Union européenne, de manière à en accroître l’efficacité et à la rapprocher des citoyens qu’elle sert.
La pandémie et la réponse humanitaire à la guerre en Ukraine ont montré combien l’Union européenne est tributaire, en des périodes de crise, de ses régions, de ses villes et de ses villages. En Ukraine, des maires courageux se battent aux côtés de leurs concitoyens, tandis qu’en Pologne, en Roumanie et en Hongrie les régions frontalières fournissent de l’aide et un abri à la grande majorité des plus de 5 millions de réfugiés ukrainiens.
Urgence climatique
Dans toute l’Union européenne, répondant à l’appel du Sud pour l’Ukraine, lancé le 3 mars depuis Marseille par Régions de France et le Comité européen des régions, des villes et des régions collectent des denrées alimentaires, des médicaments et des fournitures de premiers secours pour les envoyer en Ukraine.
Les collectivités locales et régionales de l’Union européenne aident aussi des millions de réfugiés ukrainiens d’autres manières, en leur permettant d’accéder au marché de l’emploi, au logement, à l’éducation et à différents services sociaux. L’Union européenne a été prompte à soutenir ces collectivités locales et régionales en les autorisant à utiliser les fonds non dépensés pour les aider à affronter cette nouvelle situation d’urgence. La Commission européenne a mobilisé la politique de cohésion de l’Union pour soutenir les régions qui accueillent des réfugiés. Jamais la nécessité de la cohésion ne s’était fait autant sentir, à la fois en tant qu’investissement et en tant que valeur.Lire aussi : Article réservé à nos abonnésL’Union européenne et ses vulnérabilités révélées par la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine met aussi à rude épreuve la sécurité énergétique de l’Union et accroît la pauvreté énergétique qui frappe déjà plus de 30 millions d’Européens. La décision d’acheter auprès de la Russie du gaz et du pétrole pour maintenir la stabilité se solde par un échec. Alors que les citoyens et tout spécialement les jeunes s’inquiètent de l’urgence climatique, il est impossible de revenir aux carburants fossiles.
L’Union européenne doit accélérer sa transition vers une économie neutre en carbone. Les collectivités locales et régionales jouent un rôle pour décentraliser la production d’électricité, stimuler l’investissement dans une énergie propre et financer la rénovation des bâtiments.
Réglementation et légitimité
Depuis plus de dix ans, les sondages d’opinion montrent que, de tous les niveaux de gouvernement, ce sont les collectivités locales et régionales qui bénéficient de la plus grande confiance. La raison en est simple : les pouvoirs publics locaux font partie de la vie quotidienne des gens, ils sont à l’écoute, répondent à leurs besoins et agissent pour répondre au mieux à leurs aspirations.
Les représentants élus à l’échelon local et régional mettent également en œuvre dans nos territoires 70 % de la législation de l’Union. Toutefois, ce rôle essentiel ne se traduit pas comme il le devrait dans les procédures qui s’appliquent à l’élaboration de cette législation à l’échelon européen.
Il est temps de faire pleinement valoir ce rôle capital, par le truchement du Comité européen des régions, qui devrait sortir du cadre de sa fonction consultative actuelle pour donner un avis contraignant pour les questions où se manifeste clairement une dimension territoriale. Il sera ainsi possible pour les 1,2 million de dirigeants locaux et régionaux d’améliorer la réglementation, d’accroître la légitimité démocratique au sein de l’Union européenne et par là même de combler le fossé entre l’Union européenne et les citoyens.
Après une année de débats et de bonnes intentions, la conférence sur l’avenir de l’Europe a montré que les citoyens demandent davantage de transparence, d’inclusion, de durabilité et de sécurité. Ce débat institutionnel s’est tenu à Bruxelles et à Strasbourg, mais, au fil de son déroulement, il a fait ressortir avec d’autant plus de force l’idée que les élus locaux et régionaux sont le lien entre les citoyens et les gouvernements nationaux et l’Europe.
Donner la parole aux sceptiques
Il est temps de parler et d’agir en dehors de l’Union et des capitales nationales si l’on veut que la démocratie européenne survive. Il s’agit aussi de donner la parole aux sceptiques et à ceux qui se sentent délaissés.
La Conférence sur l’avenir de l’Europe a également prouvé que de nombreuses améliorations sont possibles dans le cadre du traité européen existant. Par exemple, l’article 20 du traité stipule que « les citoyens de l’Union ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen et aux élections municipales dans l’Etat membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat ». Grâce aux centaines d’élections locales et régionales, nous pouvons aborder les questions européennes étant donné que 70 % de la législation européenne est mise en œuvre par les autorités régionales et locales.
L’invasion brutale de l’Ukraine a rappelé aux vingt-sept Etats membres de l’Union européenne [UE] qu’en dépit de leurs différences ils sont étroitement liés par leur engagement en faveur de la paix, de valeurs fondamentales communes, de la démocratie et de la solidarité. Toutefois, l’Union européenne ne bénéficie que d’une faible confiance de la part du grand public.
Ainsi, si les résultats de la récente élection présidentielle en France ont procuré quelque soulagement, il ne convient pas de s’en réjouir puisque l’extrême droite y a recueilli 41 % des suffrages exprimés. A l’occasion de la Journée de l’Europe, après une année de débats dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, il est temps de réfléchir en toute honnêteté à la manière de réformer le mode de fonctionnement de l’Union européenne, de manière à en accroître l’efficacité et à la rapprocher des citoyens qu’elle sert.
La pandémie et la réponse humanitaire à la guerre en Ukraine ont montré combien l’Union européenne est tributaire, en des périodes de crise, de ses régions, de ses villes et de ses villages. En Ukraine, des maires courageux se battent aux côtés de leurs concitoyens, tandis qu’en Pologne, en Roumanie et en Hongrie les régions frontalières fournissent de l’aide et un abri à la grande majorité des plus de 5 millions de réfugiés ukrainiens.
Bien que cela droit soit prévu dans les traités depuis de nombreuses années, les institutions européennes n’ont pas réussi à investir dans la confiance des citoyens au niveau local. La citoyenneté européenne implique des droits et des responsabilités. L’un d’entre eux est d’élire et d’être élu.
Par conséquent, cette disposition du traité représente une opportunité encore inexploitée dans laquelle les citoyens pourraient attendre de l’UE qu’elle investisse davantage, notamment entre les élections européennes. Ce problème doit aussi être résolu maintenant si nous ne voulons pas permettre aux extrémistes et aux populistes de devenir encore plus puissants.
Un outil de propagande
Pour des besoins essentiels tels que la santé, la défense ou l’amélioration de l’efficacité du processus décisionnel de l’UE, les modifications du traité ne doivent pas être taboues. C’est pourquoi la proposition d’une nouvelle convention sur l’avenir de l’Europe par le Parlement européen est une chance pour que ce changement fondamental du rôle des collectivités locales et régionales, et du Comité européen des régions, devienne une réalité.
En revanche, si la conférence n’apporte aucun changement, elle sera perçue comme une nouvelle façade bruxelloise sans valeur ajoutée pour les citoyens. Elle doit agir sur les nombreuses propositions de réforme ou risquer d’être considérée comme un autre outil de propagande sans intérêt.
L’Europe doit changer, en plaçant les régions et les villes au centre de ses préoccupations. La manière dont l’Union réagira pour protéger les réfugiés, pour s’attaquer à l’urgence climatique et pour relancer l’économie après la pandémie influera sur les opinions des citoyens d’ici à 2024, date à laquelle se dérouleront les prochaines élections européennes.
Alors que cette échéance approche, les douze prochains mois seront cruciaux pour renforcer la conviction des citoyens que l’Union européenne est réellement importante pour eux, pour leurs familles et pour leur vie. Il est temps que l’Union se rapproche de ses citoyens.
Les signataires : Carole Delga, présidente de Régions de France et de la région Occitanie ; Renaud Muselier, président délégué de Régions de France, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et membre de la délégation des autorités locales et régionales à la plénière de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ; Jean Rottner,président de la région Grand-Est ; Apostolos Tzitzikostas, gouverneur de la Macédoine centrale, président du Comité européen des régions et chef de la délégation des autorités locales et régionales à la plénière de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.