Le 1er janvier 2022, la France exercera pour six mois la treizième présidence du Conseil de l’Union européenne (PFUE) de son histoire. Cette institution qui réunit les ministres des États membres par domaine d’activité est, avec le Parlement européen, le co-législateur de l’UE. Dans la procédure législative ordinaire, les deux institutions amendent les propositions faites par la Commission européenne. Au nom des 27 États membres, la France va donc présider l’une des sept institutions de l’UE et l’une des quatre principales, constituant le carré institutionnel.
La présidence du Conseil de l’Union européenne a pris une importance capitale dans une Union élargie qui rend de plus en plus difficile la recherche des compromis, rôle majeur d’une présidence.
Quelles évolutions du rôle de la présidence de l’UE ?
Au fil du temps et des élargissements successifs, la présidence du Conseil de l’Union européenne a pris plus d’importance, en raison du nombre grandissant de pays composant l’Union (6 à 27) et des enjeux européens de plus en plus prégnants dans un espace mondialisé marqué par des crises successives. Alors que dans les années 60, la France présidait l’institution tous les deux ans et demi, elle doit désormais patienter 13 ans pour laisser aux 26 autres Etats membres le soin d’occuper cette fonction à tour de rôle. La rareté de l’exercice l’a rendu plus marquant pour le pays.
Il s’agira donc d’une grande première pour Emmanuel Macron. Avec une différence notable par rapport à la dernière PFUE en 2008 (juin-décembre). A l’époque, le chef de l’État Nicolas Sarkozy occupait également la fonction de président du Conseil européen, l’institution de l’UE qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement des États membres et qui définit les grandes orientations de l’Union européenne. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, a changé la donne : le pays qui préside le Conseil de l’UE n’assure plus la présidence du Conseil européen, lequel bénéficie désormais d’une présidence stable avec un président élu pour deux ans et demi reconductibles. C’est le Belge Charles Michel, en poste depuis décembre 2019 qui préside actuellement l’institution.
Ce principe restreint de fait la position du pays qui assure la présidence du Conseil de l’UE, même si les présidences des grands pays conservent un rôle spécifique de moteur de la construction européenne, y compris au sein du Conseil européen avec une influence majeure. Ainsi, l’Allemagne qui assurait la présidence de l’UE au second semestre 2020 a beaucoup compté dans la mise en place du plan de relance européen. Le traité de Lisbonne a également établi que le Conseil Affaires étrangères est présidé par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement l’Espagnol Josep Borrel.
Pourquoi parle-t-on de présidence tournante ?
La présidence du Conseil de l’UE échoit à chaque État membre à tour de rôle. Chacun occupe donc la fonction pendant 6 mois, de janvier à juin ou de juillet à décembre. L’ordre est d’ailleurs préétabli. Ainsi, en juillet 2016, le calendrier complet des présidences du Conseil a été fixé jusqu’en 2030.
Mais depuis 2009, chaque Etat membre ne l’exerce plus vraiment tout seul, il doit collaborer avec deux autres pays. Ce système, dit de “trio” permet de fixer des objectifs à long terme et de définir les grands thèmes qui seront traités pendant une période de 18 mois. Chacun affine ensuite son propre programme semestriel. Actuellement (juillet-décembre 2021), la Slovénie préside le Conseil de l’UE et conclut un trio ouvert par l’Allemagne (juillet-décembre 2020) et poursuivi par le Portugal (janvier-juin 2021). La France quant à elle entamera un nouveau cycle et travaillera en trio avec la République tchèque au second semestre 2022 et la Suède au premier semestre 2023. Parmi ces trois pays, seule la France est un pays fondateur de l’UE et un membre de la zone euro.
Quelles responsabilités pour la France ?
Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France devra s’acquitter de plusieurs missions, certaines très encadrées. Elle devra suivre l’agenda législatif européen et élaborer des compromis susceptibles de résoudre les problèmes politiques entre les gouvernements des 27 États membres ou bien entre les gouvernements et le Parlement européen.
Elle sera également chargée d’organiser et de présider l’ensemble des réunions du Conseil de l’UE, par domaine d’activité. Chaque ministre français assurera cette fonction au sein du groupe de travail dont il est membre. Par exemple, le ministre de l’Agriculture français présidera le Conseil agriculture. Par exception toutefois, le Conseil des Affaires étrangères (voir plus haut) est présidé pendant 5 ans par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
La France présidera ainsi les 9 autres domaines d’activité ou formations du Conseil de l’UE : Affaires générales ; Affaires économiques et financières ; Justice et Affaires intérieures ; Emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; Compétitivité (Marché intérieur, industrie, recherche et espace) ; Transport, télécommunications et énergie ; Agriculture et pêche ; Environnement ; Éducation, jeunesse, culture et sport.
Si les missions relèvent avant tout d’un rôle de médiateur et de recherche du compromis, la présidence tournante est également l’occasion pour les États membres de mettre à l’agenda européen certaines de leurs priorités. Ainsi, le Portugal avait organisé à Porto au mois de mai 2021 un sommet social pour engager les États membres sur l’application du Socle européen des droits sociaux.
Après avoir présenté les priorités du prochain semestre au cours d’une conférence de presse le 9 décembre à l’Élysée, le président de la République Emmanuel Macron en fera de même devant le Parlement européen à Strasbourg le 19 janvier prochain, lors de la session plénière de janvier. Un exercice habituel pour chaque début de présidence.
A noter que la fonction de présidence du Conseil de l’Union européenne se cumule avec celle de simple État membre, ce qui peut conduire à une double représentation dans les enceintes du Conseil. L’État qui assure la présidence au nom des 27 se dédouble alors pour continuer à assurer la défense de ses intérêts nationaux.
Valentin Ledroit