Un programme de rénovation de logements, destiné à réduire la consommation énergétique des bâtiments, constituera l’une des mesures phares du prochain Green Deal qui sera dévoilé par la Commission européenne le mois prochain.
« Si nous voulons passer à une économie décarbonée d’ici à 2050, la contribution du secteur du chauffage devra être très importante », a relevé Robert Nuij, fonctionnaire à la direction de l’énergie de la Commission européenne.
« L’une des initiatives phares de la nouvelle Commission s’articulera autour de la rénovation des bâtiments », a-t-il ajouté lors d’un événement Euractiv organisé le 21 novembre.
Ces derniers — y compris les chaudières et les appareils de chauffage domestiques — sont responsables de 40 % de la consommation totale d’énergie de l’UE, et figurent donc parmi les principaux responsables du réchauffement climatique en Europe.
À ce stade cependant, on ne sait toujours pas quelles mesures seront incluses dans le paquet, a prévenu le fonctionnaire.
« Le taux de rénovation des bâtiments et les conversions pour passer des anciennes méthodes de chauffage à de nouvelles technologies décarbonées devront augmenter», a-t-il précisé.
Le programme de rénovation des bâtiments a été annoncé pour la première fois le mois dernier par Frans Timmermans, le nouveau vice-président de la Commission européenne, lors de son audition de confirmation devant le Parlement européen.
L’UE et les autorités nationales devraient unir leurs forces et envisager de « grands projets de rénovation » en finançant par exemple « l’isolation ou le double vitrage [de certains édifices] », a-t-il expliqué aux eurodéputés.
La Banque européenne d’investissement (BEI), qui a récemment revu sa politique de prêt en matière de projets énergétiques, pourrait également être mobilisée « afin d’éviter aux résidents de devoir avancer des dizaines de milliers d’euros — dont ils ne disposent pas », a suggéré Frans Timmermans.
« Grâce à de telles initiatives, le Green Deal pourrait se traduire par une réduction des factures d’énergie et des logements plus confortables. Tout le monde y gagnerait », a-t-il plaidé.
Le coût, un obstacle de taille
Les obstacles qui empêchent actuellement les consommateurs de passer à des systèmes de chauffage plus propres sont bien connus et essentiellement d’ordre économique.
Le principal facteur pris en compte par les consommateurs lorsqu’ils choisissent un nouveau système de chauffage est son coût, selon un sondage d’opinion effectué Savanta ComRes et publié le 21 novembre. Le montant des factures mensuelles vient généralement en tête de leurs préoccupations, suivi du coût d’installation, d’après l’enquête réalisée dans 13 pays de l’UE.
Les consommateurs sont également motivés par des considérations environnementales, en particulier dans des pays comme la France, l’Italie et l’Allemagne. Interrogés sur leur volonté de passer à des systèmes de chauffage plus écologiques, 82 % ont mentionné l’énergie solaire comme étant leur solution de rechange de prédilection, suivie du gaz naturel (59 %) et de l’énergie géothermique (58 %).
Mais les considérations environnementales ne prennent jamais le pas sur le coût, selon l’étude commandée par Eurogas, une association industrielle qui a également soutenu l’événement Euractiv.
« Le sondage montre que les citoyens veulent agir contre le changement climatique », a déclaré James Watson, secrétaire général d’Eurogas. « Lorsqu’il s’agit de chauffage, les Européens veulent des bénéfices environnementaux, des économies sur le montant de leurs factures et des appareils faciles à utiliser. Ils veulent aussi que les gouvernements et les entreprises jouent leur rôle en offrant des mesures incitant à changer de système de chauffage et en fournissant plus d’information sur les options existantes », a-t-il ajouté.
Pauvreté énergétique
Selon Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), « la pauvreté énergétique est au cœur de ce débat ».
Afin de décarboner le secteur du chauffage, l’efficacité énergétique et la rénovation des bâtiments « vont de soi », a-t-elle relevé, appelant à un « programme de rénovation massive des logements » qui permettra de réduire leur consommation énergétique.
Les gouvernements doivent cependant inciter les gens à changer de système de chauffage en leur offrant un soutien financier, notamment par le biais de mesures fiscales et de subventions, sinon, ils ne le feront pas, a-t-elle souligné.
« La transition énergétique doit être centrée sur les citoyens», a convenu Federica Sabbati, de l’European Heating Industry (EHI), un groupe réunissant des fabricants de systèmes de chauffage fonctionnant à l’énergie solaire, au gaz et à la biomasse.
« Le premier grand pas qui n’a toujours pas été franchi » vers la neutralité climatique est « la modernisation des bâtiments », a indiqué Federica Sabbati. « Et je pense que nous devons parler de la décarbonation des bâtiments et pas seulement du chauffage », a-t-elle ajouté, soulignant que la performance énergétique des bâtiments dépend aussi d’éléments tels que l’isolation et le type d’infrastructure énergétique.
En ce qui concerne le chauffage en tant que tel, elle a déclaré que l’on devrait s’intéresser davantage aux installateurs. « Nous n’allons pas au supermarché pour acheter un système de chauffage, nous faisons appel à un technicien », a fait remarquer Federica Sabbati, affirmant que les installateurs sont à la fois « la porte et l’obstacle » pour aller vers un chauffage plus écologique.
Pas de « bazooka »
Un point de vue partagé par le représentant de la Commission européenne, Robert Nuij. Selon lui, les freins à l’installation de chauffages plus écologiques sont multiples. « Outre les barrières économiques, il existe des entraves en matière d’information et de réglementation », a-t-il fait valoir.
« Nous nous efforçons de faire tomber ces barrières et de faciliter l’achat de systèmes de chauffage plus respectueux de l’environnement », a-t-il ajouté.
Cependant, la décarbonation du chauffage empruntera de nombreuses voies, a souligné le fonctionnaire, précisant que le programme de rénovation des bâtiments de la Commission n’inclura aucun « bazooka » permettant de résoudre le problème à lui seul.
« D’un point de vue politique, il est essentiel que nous fixions des objectifs à long terme clairs, indiquant aux marchés la direction que nous devons prendre. Il faudra ensuite mettre en place les conditions-cadres qui permettront aux consommateurs de faire les bons choix », a indiqué Robert Nuij.
Les normes en vigueur joueront également un rôle. « Nous sommes en train de revoir nos mesures d’écoconception pour les radiateurs et les chauffe-eau », a -t-il ajouté.
Reste que l’action des gouvernements de l’UE s’avérera cruciale, à commencer par les stratégies nationales de rénovation des bâtiments qu’ils présenteront l’an prochain. Celles-ci fixeront, pour 2030, 2040 et 2050, des objectifs destinés à décarboner le parc immobilier.
Les gestionnaires de réseau pourraient également jouer un rôle plus actif dans la transition, a relevé Monique Goyens, soulignant qu’il existe une forte résistance au changement parmi les exploitants du réseau électrique, en particulier au niveau de la distribution locale.
« Ils ont vraiment un problème avec les énergies alternatives comme que les panneaux solaires . Lorsque les consommateurs commencent à produire leur propre électricité solaire, cela « perturbe l’activité confortable de la gestion du réseau », a-t-elle indiqué.
« À ce niveau, je vois un réel manque d’engagement pour fournir des solutions créatives. »
Monique Goyens a également fustigé les entreprises du secteur de l’énergie, affirmant que les offres écologiques aux clients manquaient souvent de transparence. Autre problème, elles ne sont souvent « vertes que sur le papier ».
« La moindre des choses serait que [ces entreprises] évitent de faire de l’écoblanchiment. Or, nombre d’entre elles n’hésitent pas à y avoir recours dans le cadre de leurs stratégies marketing et publicitaires. »
Par : Frédéric Simon