« Martin Schulz est un « animal » politique unique en son genre. Autodidacte complet, footballeur contrarié, lecteur compulsif, le candidat du Parti socialiste européen (PSE) à la présidence de la Commission a suivi un parcours pour le moins atypique. Francophile convaincu, il n’a pas sa langue dans sa poche. « Je sais ce que c’est d’avoir été dans le caniveau », reconnaît-il. Comme tous ceux qui reviennent de loin, ce fils de gendarme n’a pas de temps à perdre avec ceux qui osent se mettre sur son chemin. Impatient et parfois colérique, il n’est pas de la race de ces élus qui pantouflent à Bruxelles en encaissant de confortables salaires pour siéger le moins possible au Parlement. Il a ainsi refusé à plusieurs reprises des postes ministériels prestigieux dans son Allemagne natale pour rester dans les institutions européennes. À la tête de la Commission, il promet de « réveiller l’enthousiasme pour l’Europe ». Mission impossible ? Martin Schulz n’est plus à un pari près…
Né en 1955 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le jeune Martin rêvait de jouer en Bundesliga. Mais une vilaine blessure l’éloigne pour toujours des terrains. Il tente d’oublier sa déception en buvant plus que de raison. La lecture le sauvera de la déchéance. Il fait de sa nouvelle passion son métier en ouvrant une librairie à Würselen, ville dont il devient maire en 1987. Fumeur invétéré, il est élu eurodéputé en 1994. Un débat plutôt animé avec Silvio Berlusconi en 2003 transformera ce parlementaire inconnu en véritable vedette de la politique européenne. Furieux d’une remarque de l’élu allemand qui l’accusait d’avoir attrapé « le virus des conflits d’intérêts », l’ancien président du Conseil italien lui a rétorqué ce jour-là avec sa délicatesse légendaire : « Monsieur Schulz, je sais qu’en Italie il y a un producteur qui est en train de monter un film sur les camps de concentration nazis. Je vous verrais bien dans le rôle du kapo. Vous seriez parfait ! » Ne perdant pas son sang-froid, l’ancien libraire lui répondit : « Mon respect pour les victimes du national-socialisme m’interdit de vous répondre. » Touché, coulé…
Le représentant du SPD se voit propulsé l’année suivante à la tête du groupe parlementaire socialiste qui réunit notamment les élus du SPD allemand, du PS français, du Labour britannique et du Parti démocrate italien. En 2012, le voilà nommé à la présidence du Parlement européen. Pour lui, ce poste prestigieux n’est pas une fin en soi mais une étape vers son rêve final : la présidence de la Commission.
Son accession au poste de candidat du PSE s’est faite sans encombre puisqu’aucun autre candidat n’a osé s’opposer à lui. Une seule personne se trouve aujourd’hui sur son chemin : le conservateur luxembourgeois Jean-Claude Juncker. L’ennemi public numéro un des eurosceptiques et de l’extrême droite (Jean-Marie Le Pen l’a accusé un jour d’avoir « la tête de Lénine » et de parler « comme Hitler ») sait qu’il doit gagner les prochaines élections européennes pour prendre la suite de José Manuel Barroso, car le traité de Lisbonne dispose que le choix du président de la Commission doit désormais tenir compte des résultats des différents partis dans les urnes. Martin Schulz a encore quelques jours devant lui pour persuader les électeurs d’accomplir leur devoir de citoyen…«
Par Frédéric Therin, à Munich