Santé, violences conjugales… les femmes sont en première ligne de l’épidémie de Covid-19 et le secteur de l’emploi ne fait pas exception. Les conséquences économiques de la crise sanitaire ont creusé le fossé des inégalités hommes-femmes : comment les plans de relance comptent éviter ce retour en arrière ?
En mai, alors que le déconfinement était effectif ou s’amorçait dans la plupart des pays du monde, le taux de chômage des femmes dans les pays de l’OCDE atteignait 9,08 % contre 7,99 % chez les hommes, selon les chiffres de l’organisation internationale publiés mi- juillet. L’écart était moindre dans la zone euro sur cette même période, mais existe néanmoins – 7,8 % pour les femmes contre 7,3 % pour les hommes.
De plus, les femmes qui ont conservé leur emploi ont été plus exposées au virus. En France, dans plusieurs secteurs où le travail sur site a dû être maintenu pendant le confinement, comme la santé, la grande distribution ou encore le nettoyage, les femmes sont surreprésentées : sept agents d’entretien sur 10 sont des femmes, neuf infirmiers et préparateurs en pharmacie sur 10 également, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Une double peine.
Retour en arrière
Les femmes ont davantage perdu leur emploi durant la crise que leurs homologues masculins. Parmi celles qui étaient en poste au 1er mars en France, deux femmes sur trois seulement continuaient de travailler deux mois plus tard, contre trois hommes sur quatre, selon un rapportpublié en juillet par l’Institut national d’études démographiques. « La pandémie et la crise économique qu’elle a engendrée accentuent les écarts avec les hommes, après un demi-siècle de réduction des inégalités entre les sexes », peut-on lire dans l’étude.
Un constat partagé aussi dans le monde de l’entreprise. Dans une tribune publiée fin août, neuf dirigeants et dirigeantes appelaient à ce que les « efforts et travaux, budgets et initiatives consacrés à la progression de la mixité femmes-hommes soient maintenus ou augmentés et non pas sacrifiés avec la crise ».
Le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes a publié fin juin un guide de bonnes pratiques sur cette question dans un contexte de reprise d’activité. Le gouvernement a par ailleurs mis en place plusieurs mesures, comme un dispositif de chômage partiel « qui s’adresse aux femmes et aux hommes, mais (qui) est particulièrement protecteur pour des secteurs frappés par la crise et qui sont très féminisés (hôtellerie/restauration) ».
Le plan de relance est particulièrement orienté vers les publics les plus impactés par la crise – dont les femmes – et prévoit dans son volet emplois et compétences des financements massifs, indique en outre le ministère, précisant toutefois à Euractiv France que pour ces derniers il n’y a pas de fléchage précis pour les femmes. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en a appelé à la responsabilité des entreprises, notamment en matière d’accélération de la parité.
Le fonds de relance européen « Next Generation EU », qui a passé l’avant-dernière étape de vote au parlement européen le 16 septembre, stipule aussi que « des salaires minimums équitables et des mesures contraignantes de transparence des salaires aideront les travailleurs vulnérables, en particulier les femmes ». Idem pour le cadre pluriannuel pour la période 2021-2027, qui devrait « favoriser l’égalité des chances en veillant à ce que les activités et les actions des programmes et des instruments tiennent compte de la dimension de genres ».
Relance genrée
Dans un rapport daté de juin et intitulé « Next Generation EU laisse les femmes derrière », le groupe des Verts du Parlement européen notent cependant que « les propositions de la Commission sont plutôt vagues et qu’en particulier l’allocation d’importantes sommes d’argent au sein des différents instruments est très indéterminée ».
« Le plan de relance de l’Union européenne se concentre principalement sur les secteurs dominés par les hommes et oublie les femmes, s’inquiète la députée européenne allemande (Verts) Alexandra Geese. (…) Si nous voulons créer de l’emploi là où il est nécessaire, nous devons mettre l’égalité des sexes au centre ».
Parmi les solutions proposées, des quotas spécifiques d’octroi de prêts pour les entreprises dirigées par des femmes ou encore des plans de mises en œuvre de la parité pour les entreprises ayant une faible proportion de femmes et qui reçoivent des aides d’État. Différents amendements en ce sens sont actuellement discutés lors de réunions informelles avec les rapporteurs et les rapporteurs fictifs, avant d’être votés dans les semaines à venir en comité puis en plénière, dans le cadre de programmes et instruments tels que Invest EU ou encore du Mécanisme de transition juste.
Même son de cloche pour Valeria Esquivel, fonctionnaire principale du Département des politiques de l’emploi et de l’égalité de genre à l’Organisation internationale du travail. Les gouvernements devraient « s’intéresser principalement aux secteurs durement touchés qui emploient un grand nombre de femmes, ainsi qu’aux mesures qui contribuent à réduire les déficits de compétences des femmes et à lever les obstacles pratiques à leur accès à l’emploi ».
Pour Sybil Chidiac, responsable des programmes d’égalité des genres à la Fondation Bill & Melinda Gates, les plans de relance économique « doivent être intentionnellement genrés » et « assurer que des femmes participent à leur conception ». « Dans un pays avec lequel je travaille, le président a créé une task force dédiée à l’élaboration d’un plan de relance économique. Autour de la table il y avait tous les ministres excepté la ministre en charge de l’égalité hommes-femmes. Pourquoi cette absence sur un sujet si important ? », s’est-elle interrogée lors d’un webinaire sur l’impact du covid sur les femmes le 16 septembre.
« On ne peut pas prendre des décisions qui concernent 50 % de la population sans inclure les femmes dans les décisions », a renchéri Sarah Hillware, directrice adjointe du mouvement Women in Global Health.