Les Écossais descendent dans la rue pour clamer leur volonté de rester dans l’Union européenne. Quitte à mettre en danger l’unité du Royaume-Uni.
ROYAUME-UNI – L’Écosse va quitter l’Union européenne dans quelques mois. Contre son gré. Le point final de plusieurs années de batailles politiques pendant lesquelles les habitants de cette nation du nord du Royaume-Uni n’ont cessé de subir des décisions contraires à leur vote. Ils n’ont pas souhaité le Brexit et ne voulaient pas des gouvernances successives de David Cameron, Theresa May, ni Boris Johson.
Les élections législatives britanniques du 12 décembre 2019 ont effectivement donné les pleins pouvoirs au dirigeant conservateur pour qu’il mette en oeuvre son Brexit… sauf en Écosse. Au nord du mur d’Hadrien, le raz-de-marée était indépendantiste. Le SNP de Nicola Sturgeon a effectivement raflé 80% des sièges (48 des 59 en jeu), soit 13 députés de plus que lors des dernières législatives de 2017.
De quoi redonner un peu d’espoir aux partisans d’une Écosse hors de la Grande-Bretagne, bien souvent défenseurs d’une appartenance de leur Nation à l’Union européenne. “L’Écosse a dit très clairement qu’elle ne veut pas que le gouvernement conservateur la fasse sortir de l’UE”, a ainsi tranché la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, réclamant à Boris Johnson un nouveau référendum local. Dans son sillage, les indépendantistes organisent une grande marche à Glasgow ce samedi 11 janvier pour mettre la pression sur le gouvernement britannique.
Seulement dans le même temps, le Brexit se rapproche et paraît plus inexorable que jamais.
Service Boris Johnson
Si les résultats du vote ont beau donner du baume au cœur aux dirigeants écossais indépendantistes, leur chemin est encore très long et sinueux. Il passe notamment par le bureau du 10 Downing Street.
Nicola Sturgeon a officiellement demandé à Boris Johnson, la semaine suivant les élections législatives, un transfert des pouvoirs qui permettrait au peuple de décider lui-même s’il veut organiser un référendum. Un “dossier constitutionnel et démocratique” de 39 pages, publié ce jeudi sur le site officiel du gouvernement écossais, présente les grandes lignes de ce projet.
L’énergique dirigeante écossaise estime que Bojo a obtenu avec les dernières élections législatives “un mandat pour sortir l’Angleterre de l’Union européenne”, mais pas l’Écosse. Le succès du SNP lui confère “un mandat renouvelé”, “renforcé”, pour offrir aux Écossais le “choix” de leur avenir, a-t-elle dit peu de temps après l’annonce des résultats.
Impossible pour le Premier ministre britannique qui a fait savoir à plusieurs reprises son opposition à un nouveau référendum, considérant qu’un tel événement ne pouvait avoir lieu “qu’une fois par génération”.
Ils ont déjà voté… mais avant le Brexit
Boris Johnson fait ainsi référence au premier scrutin de la sorte, organisé en 2014, qui avait vu 55% des Écossais décider de rester sous la couronne britannique. Mais le Brexit a depuis changé la donne: contrairement au reste du Royaume-Uni qui avait voté à 52% en 2016 pour sortir de l’Union européenne, l’Écosse avait demandé à 62% à y rester.
Selon Patrick Dunleavy, professeur de science politique à la London school of economics la crise est inévitable… mais pas pour tout de suite.
Si le SNP remporte largement les élections au Parlement écossais en 2021 “ce sera très difficile” pour le gouvernement de Westminster de “suivre la route du gouvernement espagnol” contre les velléités d’indépendance des Catalans. “Je pense qu’on se dirige vers un clash constitutionnel, mais pas avant 2021”, a-t-il prédit à l’AFP.
À cette date, “nous serons hors de l’Union européenne”, “ce sera difficile pour Boris Johnson de résister, malgré ce qu’il dit”, abonde de son côté Simon Hix, également professeur de science politique à la LSE, devant des journalistes.
D’autant que l’Écosse n’est pas la seule à envisager de sacrifier l’unité de la Grande-Bretagne sur l’autel du Brexit.
Dans un autre coin du Royaume, le scrutin du 12 décembre pourrait avoir un effet déstructurant et donner un nouveau souffle aux aspirations à la réunification de l’Irlande, divisée entre la province britannique du Nord, qui a voté contre le Brexit, et la république d’Irlande, membre de l’Union européenne.
Pour la première fois depuis la partition de l’Irlande en 1921, les nationalistes ont décroché plus de sièges à Westminster que les partisans d’un maintien dans la couronne.