« Le débat a eu lieu. Et Martin Schulz, candidat social démocrate (PSE), doit boire du petit lait. Hier, jeudi 15 mai, à dix jours des élections européennes, la confrontation qu’il appelait depuis si longtemps de ses vœux a été retransmise dans toute l’Europe. Diffusé par plus de 140 chaînes à travers le continent. Le Président du Parlement européen (PE) était en direct avec ses quatre concurrent à la Présidence de la Commission européenne: Jean-Claude Junker (PPE-droite), Guy Verhofstadt (démocrate et libéraux), Alexis Tsipras (Parti de la gauche européenne) et Franziska Keller (écologistes).
Certes les échanges ont été plats, voire soporifiques, totalement convenus, à deux découvertes près, les plus jeunes: l’écologiste allemande et le leader de la gauche grecque, plus offensifs, et souvent plus concrets. Il n’empêche, pour Schulz, c’est un triomphe. Lui qui, il y a plus d’un an, est parti seul en campagne. Le tout premier à déclarer vouloir remplacer Barroso.
Dans son parti, il s’est d’emblée imposé comme l’unique champion, vitrifiant toute concurrence, à la grande fureur des socialistes français du PE. A l’époque, dans les autres formations et dans les chancelleries, il passait -au mieux- pour un doux rêveur. Sa démarche agaçait ou faisait sourire. Narquois, les diplomates persiflaient qu’il était inutile d’imaginer quelqu’un d’autre qu’un favori de Merkel et Hollande dans le fauteuil du Président de la Commission.
Conviction et volonté
Mais, l’Allemand a foncé, porté par un sens politique très fort et une ambition dévorante. Il a joué sur l’ambiguïté du traité de Lisbonne, selon lequel le PE a son mot à dire dans la nomination du patron de l’Europe. A longueurs de déclarations, Schulz a asséné que les choses avaient changé, que, désormais, la voix des électeurs ne pouvait plus être ignorée. Il a fait jouer ses réseaux, a su se rendre indispensable, a ratissé les médias de son pays. Fin février, le grand hebdomadaire de centre gauche die Zeit, publiait un grand portrait de lui intitulé « Mister Europa ». L’Allemand a aussi écuméles grands pays européens, dont les voix sont essentielles (Italie, France notamment), a cajolé leur presse, bombardé leurs grands dirigeants de sms, à commencer par François Hollande. Parfaitement francophone, Schulz connaît depuis longtemps le Président français et ne se prive pas de court-circuiter ses conseillers.
Le 17 avril, l’Allemand lançait la campagne des européennes avec les socialistes, au Cirque d’Hiver à Paris. « Tout arrive, on est tous derrière lui ! », soupirait un eurodéputé français. Les jeunes socialistes ont même, pour l’occasion, inventé un nouveau mot: les « Schulzies », des selfies avec le Président du PE.
Et, alors que celui ci a longtemps prêché dans le désert, chaque groupe politique, a fini, au fil des mois, par désigner un favori à la succession de Barroso. « Pour que l’Europe ait un visage », martèlent aujourd’hui les états majors.
Hier soir, lors du débat, il était frappant de constater que chaque candidat y est allé de sa petite phrase. Si quelqu’un d’autre que l’un d’entre eux devait être désigné par le Conseil européen –entendez les chefs d’Etat et de gouvernement-, ce serait « une gifle à la démocratie », (Keller), « impensable » (Verhofstadt), « impossible » (Tsipras), un sujet de colère pour le Luxembourgeois Jean-Claude Junker. Visiblement très content de lui, Schulz a même annoncé: « le temps des négociations en coulisses est fini ».
Pas si sûr… Mardi 27 mai, le surlendemain des élections, un dîner aura lieu à Bruxelles, qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement. Merkel n’aime pas Schulz. Cameron n’aime pas Juncker, pourtant membre de son parti. Hollande a un candidat de recours –Lamy-, la chancelière allemande, une favorite: Christine Lagarde. Leur choix risque de compter, surtout si aucune majorité claire ne se dégage du vote du 25, si les extrêmes ont fait la percée que les sondages annoncent. Et s’il faut négocier une grande coalition entre grands partis démocratiques. On risque alors d’assister à un bras de fer entre PE et Conseil européen. Schulz, le cogneur, est fin prêt. »
Par Sabine Syfuss-Arnaud
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