Le 30 mai, Sauvons l’Europe participait à Lyon à une manifestation autour des réponses progressistes que l’Europe est susceptible d’apporter aux drames actuels. La table ronde rassemblait Sylvie GUILLAUME, Députée européenne (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), Vice-présidente du Parlement européen, Céline GILLIER, Responsable Europe de l’URI Rhône-Alpes de la CFDT, Fabien CHEVALIER, Président de Sauvons l’Europe.
En voici un compte-rendu.
L’Europe concrète au cœur du débat
Les interventions introductives, les débats entre les trois intervenants et les questions des participants (Quelles propositions « nouvelles » ? Que faire face aux questions grecques ou britanniques ? Et le traité commercial avec les USA ? Et la reconnaissance des citoyens européens en action ou de leur expression en 2005, etc.) ont fortement ancré la réflexion commune dans les réalités et le concret. Et ont ouvert quelques pistes pour l’avenir.
L’Europe réelle a été au cœur de ce premier temps de réflexion à Lyon. D’autres suivront avec d’autres acteurs de la vie démocratique de l’Europe.
L’Europe, un bien commun
Pour Sylvie Guillaume, des choses positives importantes existent (1), même si les médias présentent le plus souvent ce qui est négatif. Les partis devraient assurer le portage politique des réussites de l’Europe.
Cités pendant la table ronde : la méthode de dépassement des conflits, les normes environnementales sources de progrès pour demain, la mobilisation d’un fonds d’investissement qui va dans la bonne direction, car il couvre également la transition énergétique, le plan sur les migrations.
Pour Céline Gillier, les apports positifs de cette Europe concrète ne sont pas toujours directement visibles par les travailleurs lorsqu’ils constatent des effets négatifs sur d’autres situations de l’emploi. Il est alors difficile de surmonter le déficit de compréhension et de distinguer l’utilité pour soi et pour les autres. Comment faire partager alors l’idée de biens communs ?
Pour Fabien Chevalier, il ne faut pas avoir l’Europe honteuse et l’Europe peut faire l’objet d’un compromis, qui ne se limite pas au seul cercle des bien-pensants. Pour créer un consensus sur l’Europe comme bien commun, un obstacle essentiel réside dans la crise des corps intermédiaires, dans les partis surtout, et la rupture entre eux et la société civile qui en découle.
Des préoccupations communes avec des réponses convergentes
Comment et par quels moyens parler d’Europe et expliquer sa complexité ?
Tous les intervenants relèvent les enjeux pédagogiques dans l’appropriation de la complexité de l’Europe actuelle par les citoyens. Situation qui masque la visibilité des progrès que l’Europe porte.
Quelques pistes sont identifiées :
Communiquer en fonction des publics et sortir des discours répétitifs
Penser en termes de proximité pour communiquer : ne pas se focaliser sur les seuls médias nationaux et solliciter la presse quotidienne régionale
S’appuyer sur les citoyens pour qu’ils deviennent eux-mêmes des pédagogues sur les fondamentaux de la construction de l’unité européenne (la paix)
Contrer l’accent mis par les médias sur les crises intergouvernementales et européaniser les arguments.
Ouvrir des espaces de débats sur l’Europe partout où elle est présente (entreprises, territoires et ailleurs)
Place des peurs et émergence des populismes
Les peurs et les replis sur soi peuvent apparaître dans tous les milieux et tous les cadres. Y compris au niveau des organisations syndicales, comme l’a montré une expérimentation avec des apprentis dans les régions du groupe des « quatre moteurs » (Rhône-Alpes ; Lombardie ; Baden-Würtemberg ; Catalogne)
Le regard politique identifie la peur au centre de la construction des discours sur l’Europe. La manipulation de la peur ne vient pas que de la droite. Les hésitations à simplifier illustrent combien nous sommes défaillants sur le plan pédagogique
Se doter de l’identité européenne peut freiner les peurs. Mais cette identité est accessible lorsque elle est vécue et donc pour ceux qui en ont les moyens ou l’opportunité. Si l’Europe demeure distante, elle devient inquiétante. D’autant plus que les pressions de l’audimat dans les médias nationaux poussent à la dramatisation de tous les problèmes, terreau des populismes.
Dans ce contexte, les négociations en cours du TTIP occupent une grande place dans les débats du moment. Une partie de l’opacité est levée mais des forces appellent à choisir une position « contre », immédiatement, et à cesser les négociations.
Sylvie Guillaume précise qu’elle n’a pas d’a priori, que de fermes lignes rouges ont été tracées et que la volonté de négocier doit aller jusqu’au bout des possibilités
Fabien Chevalier rappelle que les négociateurs américains se sont tournés vers la société civile en consultant Sauvons l’Europe. Mais Céline Gillier trouve insuffisante la place faite la société civile dans les discussions.
Les travaux sur les migrations montrent que l’Union peut tout à fait absorber des arrivées de migrants dont elle aura besoin à l’avenir. Une position courageuse a été prise par la Commission. Mais les tensions au sein des États membres montrent que les problèmes internes dans la société l’emportent sur la situation européenne.
De l’Europe actuelle à l’Europe souhaitée
Pour Céline Gillier, la démarche syndicale cherche à donner du sens à l’Europe, à la rendre accessible aux travailleurs. La CFDT souhaite une l’Europe fédérale, avec pour l’instant pourquoi pas un budget commun pour l’environnement et, une fiscalité européenne ?
Sylvie Guillaume souligne, entre autres positions politiques, le besoin d’un rééquilibrage du triangle institutionnel européen et en particulier d’un accroissement des pouvoirs du Parlement européen, en lui confiant un pouvoir d’initiative des lois qu’il n’a pas pour l’instant.
Pour Fabien Chevalier et l’association « Sauvons l’Europe », l’Europe ne doit plus être le croquemitaine. Et pour cela, elle doit être solidaire, ouverte, démocratique, écologique, une Europe des libertés, ambitieuse avec un vrai budget à hauteur de ses projets.
Les interrogations sur le Brexit et le Grexit ne sont pas débattues sur le fond, car les incertitudes sont immenses et les sujets mériteraient d’être approfondis longuement.
Des méthodes : à chacun sa place, à chacun son chemin
La question centrale des rapports de force et d’influence de chaque type d’organisation pour faire avancer l’Europe actuelle sur la voie des solutions progressistes a été abordée à plusieurs moments des débats.
Trois idées clefs peuvent être retenues.
Pour Sylvie Guillaume, il faut négocier, négocier. Négocier jusqu’où on peut aller, après avoir établi ses lignes rouges et faire preuve d’une vigilance constante. Dans le même temps, il faut veiller à lever l’opacité et se méfier des lourdeurs qui découlent parfois de réformes apparemment positives (Exemple des textes « mieux légiférer » ou sur « le congé de maternité »)
Pour Céline Gillier, il faut renforcer la place de la société civile pour discuter des impacts des directives et pour faire jouer les contre-pouvoirs. Concrètement, les interventions des citoyens travailleurs à partir de leur lieu de travail dans le cadre européen doivent être soutenues (Exemple l’entreprise Gaillon) et cela vaut aussi pour la directive sur les travailleurs détachés.
Pour Fabien Chevalier, il y a un problème démocratique en France pour que des solutions progressistes européennes soient promues. Les opinions favorables aux associations et aux syndicats demeurent assez fortes, alors qu’elles sont très faibles pour les partis. Partis qui doivent s’européaniser. Et ils devraient promouvoir de nouvelles propositions progressistes.
En conclusion, l’animateur de la table ronde et rapporteur se permet de reprendre un des échanges avec la salle sur « l’incarnation de l’Europe. »
Depuis le grand débat de 2005, qui n’a pas été assez européanisé, il y a un blocage du débat français sur l’Europe, l’Europe n’est plus incarnée.
Il y a eu des visages reconnus par le passé (Jacques Delors, Daniel Cohn-Bendit) alors qu’aujourd’hui le débat politique européen est appauvri. L’incarnation par la BCE ou un président de la Commission, contesté pour son passé, est inquiétante comme le serait la présidentialisation de l’Europe.
Aussi après le rebond qui a fait suite à l’élection du Parlement européen en 2014, « C’est aux citoyens de mener le combat. » (Céline Gillier).