La mobilisation contre le C-Star ne faiblit pas. Après les blocages des autorités en Egypte et à Chypre, le navire anti-migrants de la « mission Defend Europe », mobilisé par le collectif d’extrême droite Génération Identitaire pour repousser les navires de migrants tentant la traversée de la Méditerranée, a été renvoyé des côtes tunisiennes ce dimanche 6 août à la suite de la mobilisation générale d’activistes, de pêcheurs et d’organisations sur place. Face à cette mobilisation, les autorités tunisiennes ont refusé l’accès aux ports du pays à ce navire, affirme Lina Ben Mhenni, activiste, blogueuse et journaliste tunisienne jointe par Marianne.
Le C-Star a d’abord été contraint de renoncer à accoster dans le port de Zarzis, dans le sud de la Tunisie. Selon Lina Ben Mhenni, les activistes sur place se préparaient depuis une semaine à se mobiliser contre cette arrivée. « Nous nous sommes unis avec les pêcheurs, avons préparé des pancartes et banderoles et fait pression sur les autorités du port de Zarzis pour les empêcher de donner l’autorisation au bateau d’accoster ». Adel Azouni, activiste basé à Tunis, affirme pour sa part qu’ils suivaient les déplacements du C-Star « depuis son départ de Chypre », le 27 juillet. Outre les pancartes, les pêcheurs avaient menacé de « fermer le canal qui sert au ravitaillement. C’est la moindre des choses vu ce qu’il se passe en Méditerranée, la mort de musulmans et d’Africains », a affirmé le président de l’Association des marins pêcheurs, Chamseddine Bourassine à l’AFP. « Comment ? Nous, laisser entrer des racistes ici ? Jamais ! », a ajouté un responsable du port de Zarzis sous le couvert de l’anonymat.
Une fois que la mobilisation a payé, les activistes ont réitéré l’opération au port de Sfax, plus au nord, en apprenant que le navire s’y dirigeait. Finalement, le C-Star a viré vers l’est et se trouve à l’arrêt depuis dimanche soir à une cinquantaine de kilomètres des côtes, selon marinetraffic. Habituellement très actifs sur les réseaux sociaux, notamment pour nier les arguments de leurs opposants, les identitaires sont restés silencieux sur le sujet depuis dimanche, et n’ont pas répondu à nos sollicitations.
« Ne laissez pas le bateau du racisme C-Star souiller les ports de Tunisie »
Des appels à dimension nationale ont aussi retenti en Tunisie. Sur Facebook, le puissant syndicat UGTT (Union générale tunisienne du travail), prix Nobel de la Paix 2015 avec trois autres organisations, a lancé celui-ci : « A tous les agents et employés des ports tunisiens : ne laissez pas le bateau du racisme C-Star souiller les ports de Tunisie. Expulsez-les comme ont fait vos frères à Zarzis et Sfax ». L’ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) a affirmé vendredi dans un communiqué qu’elle s’opposerait à ce que le C-Star « accoste dans les ports tunisiens » et a appelé « le gouvernement à ne pas coopérer avec son équipage raciste et dangereux ».
Le C-Star a tenté de perturber le travail des ONG en mer
Samedi, le C-Star est entré en contact radio avec au moins deux navires d’ONG naviguant au large de la Libye, une zone où plus de 14.000 migrants ont été retrouvés morts ou ont disparu depuis 2014. « Nous entamons nos opérations au large des côtes libyennes, nous vous demandons de quitter la zone de secours », ont déclaré les membres de son équipage à ceux de l’Aquarius (de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières) et du Golfo Azzuro (de l’ONG Proactiva Open Arms). « Vous agissez comme un facteur incitatif pour les trafiquants d’êtres humains, leur faisant gagner des millions. Nous allons vous surveiller, les temps où personne ne voyait ce que vous faites sont terminés », ont-ils également menacé. Les deux bateaux n’ont pas tenu compte de ces appels.
Le navire des identitaires a quitté le port de Djibouti début juillet, où il a été loué grâce une cagnotte en ligne ayant récolté plus de 170.000€ de dons. Depuis, il erre sans parvenir à ses fins, suscitant la mobilisation contre lui partout où il passe. Il a rencontré des difficultés avec les autorités égyptiennes en traversant le canal de Suez et nord-chypriotes lors d’un premier ravitaillement, et abandonné l’idée d’effectuer toute escale en Grèce et en Sicile, où les autorités se montraient inquiètes d’éventuelles manifestations d’opposants.
Par Robin Gabaston