« La maîtrise de la masse salariale des administrations est insuffisante, avertit la Rue Cambon dans un rapport sur les finances publiques dévoilé le 17 juin. Elle propose le non-remplacement d’un départ sur trois à la retraite et la hausse de la durée effective du travail. »
Le gel du point d’indice ne suffira pas. Si le gouvernement veut respecter les objectifs du programme de stabilité des finances publiques, il faudra qu’il diminue drastiquement les effectifs de la fonction publique. C’est en substance le message de la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, dévoilé le 17 juin [cliquez ici pour accéder au rapport].
“Si la politique mise en œuvre à partir de 2013 (stabilité globale des effectifs, poursuite du gel du point d’indice et réduction de l’enveloppe des mesures catégorielles) est maintenue constante, la masse salariale augmentera encore d’environ 750 millions d’euros par an”, soit trois fois plus que “l’objectif du budget triennal 2013-2015 (250 millions)”, avertissent les magistrats de la Rue Cambon.
Si la Cour reconnaît que “les efforts déjà consentis sont importants”, elle épingle les dépenses de personnel des administrations publiques locales et de sécurité sociale qui “ont augmenté respectivement de 2,8 % et 1,2 % par an ces dix dernières années, quand celles des administrations centrales reculaient de 0,1 %”.
Non-remplacement des départs à la retraite :
Alors que le rendement du gel du point d’indice décroît, les économies dégagées étant “compensées par le coût croissant de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), et de l’alignement du minimum de traitement sur le Smic”, la Cour des comptes souffle d’autres solutions à l’exécutif pour redresser les comptes publics. Elle évoque ainsi “à titre d’illustration” le non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, qui rapporterait 400 millions d’euros par an. Mais aussi “le gel des effectifs des ministères prioritaires, combiné à la poursuite au même rythme de la baisse des effectifs dans les ministères non prioritaires”, qui rapporterait 450 millions d’euros.
Dans tous les cas, “la masse salariale est un enjeu central pour atteindre les objectifs des finances publiques”, relève la Cour, pour qui il vaut mieux “préserver des marges de manœuvre salariales pour conserver une fonction publique attractive”.Elle estime notamment que “l’enveloppe des mesures catégorielles de l’État peut difficilement être plus fortement réduite” et que le “reprofilage des carrières en rénovant les grilles est nécessaire, mais son rendement incertain”.
Augmenter la durée “effective” de travail :
“Meilleur ciblage de la Gipa”, “réforme des règles de calcul du minimum de traitement”, “rénovation des rémunérations accessoires et des régimes indemnitaires”… La Cour des comptes ne manque pas d’idées pour trouver des économies et s’interroge aussi sur les données statistiques sur le temps de travail et l’absentéisme, qu’elle juge “rares et peu fiables”.
“Le bilan du passage à 35 heures dans les trois fonctions publiques n’a d’ailleurs jamais été établi”, insiste-t-elle. Alors que les sages de la Rue Cambon relèvent que la durée effective de travail des fonctionnaires est “assez souvent inférieure à la durée légale”, ils estiment qu’“une augmentation du temps de travail effectif de 1 % (soit l’équivalent de la suppression de 2 jours de congés) permettrait de dégager une économie pour l’ensemble de la fonction publique de 700 millions d’euros”.
Collectivités et hôpitaux en ligne de mire :
Non seulement la masse salariale des fonctions publiques territoriale et hospitalière a beaucoup augmenté, mais ces administrations “appliquent parfois des règles de gestion moins strictes que l’État”, déplore la Rue Cambon.
“La Cour a par exemple constaté que dans de nombreuses collectivités locales, les avancements sont systématiquement accordés à l’ancienneté minimale, sans tenir compte de la manière de servir des agents”, pointe le rapport, qui évoque la possibilité d’un “gel temporaire des avancements”. Une mesure qui “peut s’avérer relativement inégalitaire entre fonctionnaires”, mais qui aurait “un impact budgétaire très important à court terme”. Elle évoque aussi “une plus grande sélectivité des investissements locaux” et une “politique d’achats mieux coordonnée entre intercommunalités et communes membres”.
Quant au secteur médico-social, la Cour des comptes y recense de multiples sources d’économies inexploitées. Le développement de la chirurgie ambulatoire, qui connaît en France “un retard persistant et important”, pourrait ainsi dégager 5 milliards d’euros d’économies. La mutualisation des plateaux médico-techniques, le regroupement des fonctions logistiques ou la dématérialisation des feuilles de soins sont autant de marges de réorganisation qui permettraient de diminuer les dépenses de gestion. Largement de quoi abonder les 50 milliards d’euros d’économies prévus à l’horizon 2017, si l’exécutif a le courage d’appliquer quelques-unes de ces recommandations.
Raphaël Moreaux
N.B : Qui contrôle la Cour des comptes ? En tant qu’institution supérieure de contrôle indépendante la Cour n’est pas soumise à un contrôle externe autre que le contrôle budgétaire du Parlement. Mais en tant qu’organe administratif, elle est soumise au contrôle a priori du ministère des finances.
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