« En lançant la campagne de la CDU pour les élections européennes, Angela Merkel a prononcé un discours compatible avec le programme du SPD
Angela Merkel a donné, samedi 5 avril, le coup d’envoi de la campagne de son parti, l’Union chrétiennedémocrate (CDU), pour les élections européennes du 25 mai. Si le Luxembourgeois JeanClaude
Juncker, tête de liste des conservateurs européens et David McAllister, tête de liste de la CDU pour ces
élections, se sont exprimés, la chancelière a parlé plus longtemps qu’eux deux réunis lors du congrès de la CDU à Berlin. D’ailleurs, c’est elle qui figurera sur les affiches allemandes, ce qui en dit long sur sa popularité et sur le côté national de la campagne.
Devant un millier de délégués, Angela Merkel a prononcé un discours résolument européen. Alors qu’une partie de la CDU ne voit pas d’un bon œil les sanctions contre la Russie après l’annexion de l’Ukraine, la chancelière s’est montrée ferme : » Il y a des moments où la question nous est à nouveau posée. Quelle est notre position ? Avons nous peur que, quelle que soit la mesure que l’on prenne, elle puisse entraîner des difficultés ? Ou sommes nous unis pour le maintien de la dignité humaine et de nos valeurs ? Cela doit être clair (…). Le droit du plus fort ne peut pas l’emporter sur le droit. »
La présidente de la CDU s’est aussi félicitée de la sortie progressive de la crise de la zone euro. » Je suis contente que nous ayons décidé que la Grèce reste dans l’euro. La Grèce emprunte un chemin difficile mais nous sommes à ses côtés. L’euro est un projet politique et financier. Un projet couronné de succès. » Pour elle, l’Europe, c’est » 7 % de la population mondiale, 25 % du PIB mondial et 50 % des dépenses de protection sociale mondiale « .
» Nouvelle direction »
Pour maintenir ce système, l’Europe n’a d’autre choix que d’être compétitive et ne peut se contenter d’être appréciée pour » son riesling allemand ou son bordeaux français. » L’Europe, selon la chancelière, doit aussi être regardée pour son » agriculture moderne, sa politique énergétique intéressante et son industrie moderne. » On cherchera en vain dans le programme de la CDU un élément incompatible avec le programme du Parti sociald-émocrate (SPD). Certes, ce dernier veut » donner une nouvelle direction à l’Europe « , mais derrière l’affichage, les deux projets se ressemblent en de nombreux points : le SPD, comme la CDU, entend transposer au niveau européen l’économie sociale de marché, considérée comme la clé de la réussite allemande.
Les deux partis veulent que la Commission européenne se concentre sur quelques grandes missions d’intérêt général. » Remettre l’Europe sur ses pieds « , affirme le SPD, qui dispose d’un avantage : sa tête de liste nationale, Martin Schulz, président du Parlement européen, a été désignée pour représenter les sociaux-démocrates et les socialistes européens. Alors que les Verts centrent leur campagne sur les thèmes écologistes traditionnels, le SPD et la CDU se battent moins entre eux que contre les eurosceptiques.
Sans faire ouvertement partie de ces derniers, l’Union chrétienne sociale (CSU) bavaroise joue sur les deux tableaux. Le parti, allié de la CDU et membre de la coalition d’Angela Merkel, veut une » meilleure Europe qui se limite à l’essentiel, qui est forte visàvis de l’extérieur mais mince visàvis de l’intérieur, qui est plus démocratique et plus proche des citoyens « .
La CSU a lancé, début janvier, une campagne controversée sur le thème » celui qui triche, dégage ! » qui visait surtout les immigrants bulgares et roumains, accusés d’abuser du système social allemand. Cette campagne a suivi de peu la nomination à la vice-présidence du parti de Peter Gauweiler, un eurosceptique pur et dur qui n’hésite pas à attaquer la politique européenne d’Angela Merkel devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
La CSU veut manifestement retenir une partie de son électorat tentée de voter pour le nouveau parti antieuro, Alternative pour l’Allemagne (AfD). Ayant échoué de peu à entrer au Bundestag en septembre, ce dernier devrait entrer au Parlement européen, puisqu’il n’y a plus de seuil à atteindre pour disposer d’élus.
L’AfD devrait faire campagne » contre cet eurolà » et pour la limitation du droit d’asile. Paradoxalement, elle pourrait séduire une partie de l’électorat de Die Linke, le parti de la gauche radicale, très anti-européen et actuellement très critique vis-à-vis du gouvernement de transition en Ukraine. »
Frédéric Lemaître © Le Monde