David Cameron veut abroger la loi sur les droits de l’Homme durant les 100 premiers jours de son mandat afin de « rompre le lien formel » entre les tribunaux britanniques et la Cour européenne des droits de l’Homme. Un projet qui soulève de nombreuses protestations. Les Tories veulent abroger la loi sur les droits de l’Homme de 1997 qui exige que les tribunaux britanniques « prennent en compte » la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ainsi, affirment-ils, la cour suprême britannique sera « l’arbitre ultime des droits de l’homme » au Royaume-Uni.
En l’état actuel des choses, le gouvernement britannique ne cherche pas à quitter le Conseil de l’Europe, qui gère la Cour européenne des droits de l’Homme, ou à se retirer de la liste des signataires de la Convention européenne des droits de l’homme.
Par conséquent, même si la loi est supprimée, le Royaume-Uni sera toujours lié à toutes les décisions prises par la Cour à laquelle il appartient.
La loi sur les droits de l’Homme est devenue extrêmement impopulaire du côté de la droite britannique et des médias. La supprimer est donc un moyen de réaffirmer les valeurs conservatrices après 5 années de gouvernement de coalition, et d’envoyer un message à Bruxelles. Bien que séparée de l’UE, la cour de Strasbourg est perçue par ses détracteurs comme un exemple de supervision inutile.
Cette opposition s’est traduite par des tentatives bloquées du gouvernement britannique d’imposer des condamnations à perpétuité aux criminels violents et par une volonté de faire obstacle à l’expulsion des criminels. D’autres reprochent à cette institution de protéger de manière excessive les droits à une vie familiale et à une protection contre la torture. Les deux articles de la loi associés ont été utilisés pour retarder l’extradition de l’extrémiste Abu Qatada.
Politique conservatrice
Dans le manifeste de campagne des Tories, qui aspirent depuis longtemps à supprimer la loi, figure la promesse de « restaurer le bon sens » de la loi sur les droits de l’Homme au Royaume-Uni et de « mettre un terme au dérapage consistant à utiliser cette loi dans de plus en plus de cas ».
Même si les conservateurs ont remporté leur première majorité dans la Chambre des communes depuis 1992, ils devront faire face à de nombreux obstacles avant que leur volonté devienne réalité. À commencer par leur propre parti.
L’ancien ministre de l’Intérieur, Ken Clarke et l’ancien procureur général, Dominic Grieve, font partie des personnalités qui s’opposent à ce projet. David Davis, un conservateur eurosceptique, a écrit dans le quotidien local, the Hull Daily Mail, « je ne veux pas que nous en sortions [de la Cour européenne des droits de l’homme]. Notre départ serait une excuse pour que tous les autres partent aussi ».
Au sein de l’opposition travailliste, le secrétaire d’État à la justice, Lord Falconer, a déclaré « le gouvernement britannique ne devrait pas montrer qu’il hésite à soutenir les droits de l’Homme et leur intégration dans la loi nationale. Le parti travailliste fera obstacle à toute tentative d’amoindrir l’engagement du pays vis-à-vis des droits de l’Homme ».
« Même si la loi sur les droits de l’Homme a parfois mauvaise presse, elle protège 16 libertés et droits fondamentaux. Elle vient en aide aux personnes âgées, aux malades et aux plus vulnérables », a rappelé Kate Allen de chez Amnesty International.
« Des gens se sont battus pour ces droits pendant des générations, et dans d’autres pays du monde, des gens continuent de risquer leur vie et leur liberté pour eux. Ces droits chèrement acquis sont sur le point d’être rayés d’un trait de plume », a-t-elle poursuivi.
Selon un porte-parole du ministère de la Justice, « le gouvernement a été élu avec la promesse de campagne de remplacer la loi sur les droits de l’Homme par une loi britannique. Les ministres vont se rencontrer pour discuter de leur projet et feront des annonces en temps voulu ».
Politique
Si les conservateurs détiennent la majorité à la Chambre des communes, ce n’est pas le cas à la Chambre des Lords. La convention parlementaire stipule que les Lords ne doivent pas bloquer les engagements pris par un gouvernement majoritaire.
Les nombreux travaillistes et libéraux-démocrates opposés à ce projet dans la chambre haute mettront donc ce principe à l’épreuve.
Par ailleurs, cette décision risque de se heurter à l’opposition farouche des différentes nations qui constituent le Royaume-Uni. Le Parti national écossais, qui a remporté 56 des 59 sièges parlementaires en Écosse et qui détient une majorité au parlement écossais, s’oppose à la suppression de la loi.
Même si ce n’est pas inscrit dans la loi, en pratique, les changements apportés au droit constitutionnel nécessitent le consentement des compétences des nations. En octobre dernier, le gouvernement écossais s’était dit « fermement opposé » à toute tentative d’abroger la loi sur les droits de l’Homme.
L’Irlande du Nord sera surement encore plus problématique. La loi sur les droits de l’Homme fait partie intégrante de l’Accord du Vendredi saint, qui a soutenu le processus de paix en Irlande du Nord. La Convention européenne des droits de l’Homme est également citée en référence dans l’accord, selon le Financial Times.
Pour le ministre irlandais des Affaires étrangères, Charlie Flanagan, la protection des droits de l’Homme est « fondamentale […] pour garantir la paix et la stabilité en Irlande du Nord ».
« L’insistance partagée sur les droits de l’Homme est ce qui rend le processus de paix crédible », a déclaré Charlie Flanagan au Financial Times.