Une marée humaine a déferlé sur Paris aux côtés des principaux représentants européens pour défendre les valeurs républicaines contre le terrorisme. Les ministres de l’Intérieur de l’UE estiment que les textes actuels de lutte contre le terrorisme en UE sont insuffisants. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont massivement retrouvé à Paris dimanche 11 janvier pour afficher leur unité contre le terrorisme, après une semaine sanglante qui a fait 17 victimes en France dont 7 journalistes. Une journée historique où les politiques ont fait fi de leur dissensions pour afficher une unité inédite.
Arrivée à la mi-journée à l’Elysée, Angela Merkel a même incliné la tête sur l’épaule de François Hollande, offrant une image surprenante de concorde franco-allemande. De même, David Cameron qui s’oppose fermement aux positions plus fédéralistes de la France en matière européenne, et qui avait été le premier à annoncer sa venue aux côtés du président français, et fait montre de fraternité. Plus étonnant encore, les leaders politiques Benhyamin Netanyaou et Mahmoud Abbas ont participé au même déjeuner et au même défilé dans les rues de Paris. Les principaux leaders européens ont mené le cortège aux côtés de François Hollande, y compris le président du Conseil européen, Donald Tusk, Jean-Claude Juncker le président de la Commission, et Federica Mogherini, en charge des affaires étrangères.
La mobilisation européenne avait commencé dans la matinée avec celle des ministres de l’Intérieur réunis place Beauvau. En plus des 28 ministres des pays membres, le secrétaire d’Etat américain Eric Holder était présent et a assuré l’UE de son soutien dans la lutte contre les « combattants étrangers ».
Priorité à la lutte contre les « combattants étrangers »
Le ministre français Bernard Cazeneuve avait dans une déclaration commune estimé que les textes européens actuels organisant la lutte contre le terrorisme ne suffisaient, et affiché sa volonté d’aller plus loin . Deux pistes prioritaires vont être explorées : celle des moyens destinés à contrecarrer les déplacements de combattants étrangers, ainsi que la lutte contre la propagande faite sur Internet. Le recours à Europol, Eurojust et Interpol doit également s’intensifier tout comme les échanges d’informations entre polices européennes.
Le ministre a clairement insisté sur la question des « PNR » ou passenger name record, un projet de registre unique pour les passagers du trafic aérien, actuellement bloqué au Parlement européen où les élus s’inquiètent du danger pour les libertés individuelles. « Nous souhaitons une approche constructive avec les représentants du Parlement européen, et je recevrai prochainement les élus français chargés du dossier » a prévenu le ministre.
De son côté, l’américain Eric Holder a annoncé la tenue d’une réunion internationale sur le terrorisme le 18 janvier prochain à Washington.
Un Français sur 20 dans la rue
Aux alentours de la place de la République, une foule compacte s’est rassemblée sur un parcours visiblement trop juste pour contenir les deux millions de participants. Réunies dès 12h place de la République pour certains, les manifestants ont dû patienter jusqu’à 16H15 avant de pouvoir partir de la place de la République, alors que la marche des « VIP » devant eux bloquait le cortège. Les chefs d’Etats ont en effet marché sur une longueur de 400 mètres avec les familles des victimes et les salariés de Charlie Hebdo, avant de discuter avec eux au milieu du boulevard, retardant la progression de la marche.
En attendant, la foule composée d’enfants, de personnes âgées et de quidams cosmopolites affichait des banderoles de soutien au journal décimé, trompant le froid en chantant la Marseillaise ou l’Internationale, ou encore en applaudissant. Mais la plupart des participants n’étaient pas exactement des manifestants aguerris. « Je ne défile jamais, mais là je suis meurtri, on a abîmé mon pays » expliquait un retraité marchant péniblement, avec une canne.
Des forces de l’ordre acclamées
Entre la place de la République et celle de la Bastille, un cortège de voitures de CRS a été longuement applaudi par la foule, un phénomène rare dans les manifestations parisiennes où les forces de l’ordre sont le plus souvent conspuées. Parmi les dizaines de « snipers » postés sur les toits en marge de la manifestation, certains ont aussi été acclamés par la foule, et ont répondu en agitant la main.
Le défilé s’est finalement déroulé sur plusieurs itinéraires parallèles, dans un certain chaos, les manifestants ne se dispersant qu’à la nuit tombée, au moins deux heures après le départ des dirigeants européens rentrés à l’Elysée entre temps, dont Matteo Renzi qui fêtait ses 40 ans.
En province, pas moins d’1,5 millions de manifestants se sont rassemblés selon un chiffrage de l’AFP, portant le total des manifestants à près de 3,5 millions de personnes. Soit environ un français sur 20, un chiffre totalement inédit à ce jour pour une manifestation dans l’Hexagone.