Les représentants des institutions européennes se rencontrent le 16 décembre pour finaliser la directive anti-blanchiment d’argent. Les États membres pourraient abandonner l’idée d’un registre public des gérants de trusts, un enjeu clé de la transparence et de la lutte contre l’évasion fiscale selon ONE.
L’adoption de la directive anti-blanchiment pourrait être un moment historique de la lutte contre l’évasion fiscale et l’opacité financière. Pourtant, si les États membres n’y incluent pas un registre des propriétaires et gérants des entreprises ou trusts anonymes, l’UE aura manqué une occasion rare d’agir au nom de la transparence, avertit ONE, l’ONG créée notamment par Bono, le chanteur du groupe U2.
Au mois de mars dernier, les eurodéputés avaient adopté un projet de directive qui prévoyait la création dans chaque État membre d’un registre central public énumérant les bénéficiaires effectifs des entreprises, fondations, holdings, trusts, fiduciaires et autres. La création d’un tel registre permettrait de lutter contre l’évasion fiscale plus efficacement et de rendre les arrangements douteux plus difficiles à cacher.
La résolution législative de la directive anti-blanchiment a été adoptée par le Parlement le 11 mars, avec 643 votes favorables, 30 défavorables et 12 abstentions.
Un résultat qui prouve la volonté presque unanime du Parlement de voir une directive anti-blanchiment ambitieuse, mais qui pourrait être abandonnée sous les pressions du Conseil, s’inquiète ONE. Les représentants des États membres pourraient en effet réécrire le projet sans inclure de registre public des bénéficiaires des entreprises-écrans et des trusts anonymes qui échappent à leurs taxes, privant ainsi les pays en développement d’une rentrée d’argent bien nécessaire. Le compromis en discussion partirait plutôt sur l’établissement d’un registre qui ne serait pas public, mais seulement accessible par des tiers (institutions financières ou représentants des pouvoirs publics).
Au moment où le Parlement a ratifié la directive, beaucoup d’États membres s’y opposaient. Cette opposition s’est cependant dissipée et le nombre d’États favorables au registre aurait quadruplé depuis. Ainsi, la République tchèque, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas auraient notamment changé d’avis suite au scandale des LuxLeaks.
Selon les estimations de ONE, la corruption, de l’évasion fiscale et d’autres activités illégales coûtent chaque année 1 000 milliards de dollars aux pays en développement.
Le Parlement ne doit pas céder aux pressions du Conseil
Les eurodéputés Krišjānis Kariņš (PPE, Lettonie) et Judith Sargentini (Verts/ALE, Pays-Bas) représenteront le Parlement lors du trilogue. La directrice du bureau bruxellois de ONE, Tamira Gunzburg, a publié une lettre ouverte dans laquelle elle exhorte les deux représentants à ne pas céder aux pressions des États ou de la présidence italienne.
Pour Tamira Gunzburg, l’élaboration de la nouvelle directive et de son registre est une « occasion unique dans un mandat de créer des mesures de transparence d’une valeur historique » et de mettre un terme à des activités qui privent les pays en développement de milliards de dollars dont ils auraient désespérément besoin.
Elle ajoute dans sa lettre que si les eurodéputés laissaient le Conseil les influencer et acceptaient une directive ne garantissant pas un accès libre et complet du public à l’information concernant les bénéficiaires effectifs, cela serait contraire à la position originale du Parlement et trahirait ses engagements vis-à-vis des citoyens.
« L’anonymat garanti par les sociétés-écrans et les trusts est largement profitable à qui veut détourner des fonds en provenance des pays développés autant que des pays en développement. La transparence sur les bénéficiaires effectifs qui contrôlent ces entités contribuerait grandement à suivre l’argent à la trace et à éradiquer la corruption », écrit-elle.