Les textes liés à la fiscalité seront une des priorités de la nouvelle Commission européenne en 2015, et notamment du commissaire à l’économie, Pierre Moscovici.
Les textes liés à la fiscalité seront une des priorités de la nouvelle Commission européenne en 2015, et notamment du commissaire à l’économie, Pierre Moscovici.
Un petit pas, mais un pas important vient d’être franchi, mardi 9 décembre à Bruxelles, dans la lutte contre l’optimisation fiscale pratiquée par les entreprises. Les ministres des finances des 28 États de l’Union européenne ont trouvé un accord pour adopter, à un niveau communautaire, une clause anti-abus à la « directive mère-fille ».
Ce texte, adopté en novembre 2011, est censé éviter que les profits réalisés par des sociétés exerçant dans deux pays différents (ou plus), soient taxés deux fois, dans les deux pays. Elle permet donc qu’une entreprise qui paie ses taxes dans un pays, en soit exemptée dans l’autre, sous certaines conditions. Mais ce texte est allègrement contourné par des multinationales, qui s’arrangent, grâce aux compétences de leurs conseillers en optimisation fiscale, pour ne pas être imposées du tout.
La Commission européenne a donc proposé, en novembre 2013, d’amender la directive avec une clause anti-abus pour éviter ce contournement. Certains pays ont pris les devants et adopté dans leur droit national – c’est le cas de la France – des clauses anti-abus. D’autres pays faisaient de la résistance, comme les Pays-Bas et la Belgique.
L’accord, conclu mardi lors de la réunion de l’Ecofin à Bruxelles, oblige les 28 états membres de l’UE à prendre leurs dispositions. Ils ont désormais jusqu’au 31 décembre 2015 pour intégrer cette clause anti-abus dans leur droit national.
Pas d’accord sur la fiscalité des brevets
La publication des Luxleaks, début novembre, qui montraient l’existence d’un vaste système d’évasion fiscale en faveur des multinationales installées au Luxembourg, a eu raison des dernières résistances.
Lire aussi : « LuxLeaks » : voyage au paradis des multinationales
Les Néerlandais, les derniers à s’opposer à l’adoption d’une clause anti-abus au niveau communautaire, ont cédé, mardi. Ce qui a permis un accord : au niveau fiscal, l’Europe est en effet obligée d’avancer avec l’unanimité des États membres.
L’Ecofin de mardi a été aussi l’occasion d’une discussion sur les « patent box », ces régimes fiscaux dérogatoires accordés aux sociétés qui déposent des brevets.
L’idée, au niveau européen est d’apporter plus de transparence dans la délivrance de ces avantages fiscaux, et de faire en sorte qu’ils soient justifiés : que les entreprises qui en bénéficient aient une réelle activité économique, par exemple, pour éviter les « pratiques dommageables », les abus.
Mais sur ce sujet, les Pays-Bas, un des pays qui dépose le plus de brevets au monde, font, là encore, de la résistance. Aucune décision n’a donc été arrêtée, mardi.
En parallèle, la Commission européenne a annoncé, il y a quelques semaines, qu’elle menait des investigations – pour l’instant informelles – sur la légalité ou non, au regard du droit européen, de ces patents box. Cette enquête vise neuf pays, dont les Pays-Bas, mais aussi le Luxembourg ou la France.
Certains espèrent qu’à la suite des LuxLeaks, la Commission, qui a pris un engagement solennel de lutter davantage contre les abus en matière d’optimisation fiscale, adopte une approche plus globale, plus systématique.
« Là, on avance par petits bouts, au risque de ne pas aller assez vite par rapport à l’imagination des spécialistes de l’optimisation fiscale », souligne une source bruxelloise.
Priorité de la nouvelle Commission
Ce qui est sûr, c’est que les textes liés à la fiscalité, seront une des priorités de la Commission en 2015. Pierre Moscovici, le commissaire à l’économie, aussi en charge de la fiscalité, a promis une directive pour lutter contre les « tax rulings » abusifs, ces accords fiscaux préalables, dont a abusé le Luxembourg (mais ce n’est pas le seul pays à les utiliser).
M. Moscovici veut aussi remettre sur les rails la directive ACCIS, qui définit une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les bénéfices des entreprises en Europe. Ce texte, qui a été proposé par la commission en mars 2011, est depuis, complètement coincé au Conseil européen (réunion des 28 chefs d’Etat et de gouvernement).
Lire aussi : Optimisation fiscale : Paris, Berlin et Rome pressent Bruxelles d’agir
Est-ce réaliste d’espérer obtenir, dans les prochains mois, un accord à 28 alors qu’il ne s’est rien passé ces dernières années ? « Impossible de reprendre le texte à zéro, le travail effectué est trop considérable. Mais difficile aussi de penser que le texte en l’état a des chances d’être adopté, même si le momentum politique a clairement changé depuis quelques semaines », avance une source européenne bien informée. « Peut-être que la bonne approche consisterait à saucissonner la proposition de la directive », suggère encore cet interlocuteur.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/09/les-europeens-s-accordent-pour-combattre-l-optimisation-fiscale_4537373_3234.html#B8oUXHCy3bg4paJU.99